
Un Pokémon planétaire

L'an 2001 a fait passer le monde dans une nouvelle ère. Le regard de Charles-Henri Favrod, journaliste, fondateur et ancien directeur du musée de l'Elysée, à Lausanne.
Le 11 septembre, le virtuel paraît s’être emparé de la planète. Oussama Ben Laden a imposé un scénario catastrophe dont nous n’arrivons pas à nous dépêtrer. D’autant qu’il s’est poursuivi aussitôt dans le décor fantastique de l’Afghanistan avec des bombardements d’Apocalypse et une Alliance du Nord, venue d’un autre âge, ses soldats clochards emportés par la poussière d’Asie comme New York disparut un moment dans la poussière des Twins.
Nous sommes entrés ainsi dans une ère onirique, fantomatique, irréelle et troublante. A chaque réveil matinal, on est tenté de croire un instant au cauchemar nocturne qui va se dissiper avec le premier café. Mais non, il faut bien s’en convaincre: l’inimaginable est arrivé et nous continuons d’en vivre les conséquences, en sachant bien qu’il faut les inscrire dans ce qu’on appelle l’ordre mondial.
De nouveaux affrontements
On en arrive ainsi à retrouver le réel qu’il est d’usage d’appeler le politique. Mais si le pétrole d’Asie centrale et ses pipe-lines sont maintenant à l’ordre du jour, on s’achoppe aux rivalités tribales qui instaurent un nouveau Pokémon planétaire.
Une chose est donc sûre: les affrontements vont continuer que devront arbitrer les chancelleries et les services secrets. Curieusement y seront engagés ensemble Moscou et Washington, Londres et Pékin. Ce jeu relèvera plus des échecs et de la raison. Mais il sera confronté à l’irrationnel local et devra compter avec l’imprévisible. Il faudra se préoccuper de toutes les ethnies.
L’avenir est à construire
Bien malin qui y verra toujours clair. N’en a-t-on pas vécu déjà les effets? Ben Laden, formé par la CIA pour venir à bout des Soviétiques, est devenu l’ennemi public universel. Tête mise à prix comme dans un vieux western. L’actuel scénario, aucun cinéaste n’aurait osé l’imaginer. On ne sort décidément pas du jeu vidéo.
Le dictionnaire définit le virtuel comme ce qui n’est pas réalisé, ce qui n’a pas d’effet actuel, ce qui demeure potentiel et théorique. En physique, l’image virtuelle est celle dont les points se trouvent sur le prolongement des rayons lumineux. C’est l’avenir au propre et au figuré. Consolons-nous donc: le monde continue. Georges Bernanos disait: «On ne subit pas l’avenir, on le fait.»
Charles-Henri Favrod

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