La dernière course de Franziska Rochat-Moser

Franziska Rochat-Moser célèbre sa victoire après le marathon de la Jungfrau en 1997. Keystone Archive

La plus Vaudoise des Bernoises s'en est allée suite d'un accident de montagne. La plus grande marathonienne suisse de l'histoire avait 35 ans.

L’épouse du cuisinier de Crissier Philippe Rochat avait été emportée par une avalanche mercredi lors d’une randonnée à ski entre L’Etivaz et les Diablerets.

Ensevelie, elle avait pu être localisée et dégagée par un de ses compagnons. Et elle avait été transportée par hélicoptère au CHUV où elle est décédée jeudi.

C’est donc la montagne qui a mis subitement un terme à la vie de Franziska Rochat-Moser. Cette même montagne où elle avait entamé sa carrière d’athlète par des courses populaires.

«Dans les années 1987-1990, se souvient Yves Jeannotat, journaliste spécialisé en athlétisme au quotidien Le Matin, Franziska Moser n’a pas 20 ans lorsqu’elle empoche le titre de championne suisse juniors d’orientation».

Le Marathon de New York

Mais, évidemment, la victoire la plus retentissante de Franziska Rochat-Moser est sans conteste celle qu’elle remporte au Marathon de New York, en 1997, en 2h 28′ 43”. Elle est alors élue meilleure athlète romande.

C’est ce succès new-yorkais qui la fait connaître au monde entier et lui a permis d’entrer dans le cercle très fermé des immortels de la course à pied. «Aujourd’hui encore, précise Yves Jeannotat, on parle de Franziska comme de la reine du marathon de New York».

Deux ans plus tard, en 1999, Franziska Rochat-Moser termine deuxième du Marathon de Boston. Dans la foulée, elle établit le record suisse du marathon classique (42km 195) en 2h 25′ 51”. Inégalé à ce jour.

Reste que, étonnamment, Franziska Rochat-Moser n’est jamais montée sur une des trois marches d’un podium olympique, d’un championnat du monde ou même d’un championnat d’Europe.

En revanche, elle a remporté de nombreux titres de championne de Suisse du marathon et du demi-marathon. «Franziska Rochat-Moser était vraiment une spécialiste des longues distances», précise Yves Jeannotat.

Victoires dans les classiques suisses

Franziska Rochat-Moser a aussi remporté de nombreuses victoires dans les classiques du pays. Elle s’est, en effet, adjugée deux fois le fameux Morat-Fribourg. «C’est d’ailleurs la seule femme qui a couru cette course mythique en dessous de l’heure», précise Yves Jeannotat.

Elle a également gagné à plusieurs reprises le Grand Prix de Berne, les 20 km de Lausanne et le Marathon de la Jungfrau. Où là, à nouveau, on la retrouve dans la montagne. Cette montagne qui la consacre championne.

Franziska Rochat-Moser doit beaucoup à son entraîneur Richard Umberg (multiple champion suisse de marathon), lorsqu’elle est repérée par la Fédération suisse d’athlétisme.

L’épouse du fameux cuisinier de Crissier, Philippe Rochat, était «une femme très équilibrée, souligne Yves Jeannotat. Elle se comportait de manière extrêmement méthodique dans sa préparation».

En communion avec la nature

Mais, pour cette sportive de haut niveau, la nature comptait davantage que la victoire. C’est plutôt rare dans le milieu. Que de courses en forêt pour préparer un seul marathon!

D’apparence très frêle, Franziska Rochat-Moser n’était pas moins dotée d’une résistance physique incroyable. La jolie blonde jouissait, en effet, d’un système cardio-vasculaire très performant.

Rapide et tenace, Franziska Rochat-Moser l’était aussi intellectuellement. Elle devait un jour déclarer dans l’Illustré du 21.6.2000: «Pratiquer un sport de haut niveau est devenu affreux. Si vous gagnez, vous êtes suspectée de vous être dopée. Et si vous finissez 30e, vous êtes une pomme. Je ne conseillerais plus à un jeune de toucher au sport élite.»

Ne dénonçait-t-elle pas là toute la cruauté bête et méchante de la nature humaine? Franziska Rochat-Moser n’est plus. Mais sa trace reste pure et belle dans les neiges vaudoises et sur les routes du monde.

swissinfo/Emmanuel Manzi