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Alsace: les déchets dangereux de Stocamine resteront sous terre

(Keystone-ATS) Après des années de débats et de tergiversations, la ministre française de la Transition écologique Barbara Pompili a tranché lundi pour enterrer définitivement les déchets industriels dangereux dans les entrailles de Stocamine, ancienne mine de potasse de Wittelsheim, près de Mulhouse. Sa décision soulève la colère de ceux qui plaidaient pour en retirer un maximum avant de fermer le site.

La ministre “décide de lancer la réalisation du confinement du site sans déstockage complémentaire”, est-il indiqué dans un communiqué du ministère. Cette mine, située à 50 km de Bâle, sous l’importante nappe phréatique d’Alsace, renferme encore 42’000 tonnes de déchets dangereux.

En complément, Mme Pompili a alloué 50 millions d’euros “pour permettre un plan de protection de la nappe d’Alsace sur les cinq prochaines années”, avec la dépollution, sous le pilotage de l’Ademe, de “plusieurs anciens sites industriels situés au-dessus de la nappe d’Alsace” et non en-dessous comme Stocamine.

Incendie du “bloc 15”

Co-auteur d’un rapport parlementaire sur le sujet, le député LR du Haut-Rhin Raphaël Schellenberger a “déploré cette décision”. “Toujours en première ligne pour mettre en avant le principe de précaution, la Ministre se trouve ici incapable de transformer ses paroles en actes. Encore une fois le cynisme a décidé. L’écologie et le principe de précaution c’est pour se faire élire”, a-t-il dénoncé.

Lorsqu’il a été décidé à la fin des années 1990 de reconvertir la mine de potasse en décharge industrielle souterraine, 320’000 tonnes de déchets devaient y être entassées pour trente ans. Ce stockage souterrain devait être “réversible”, précisait l’arrêté d’autorisation, un mot sujet à de multiples interprétations depuis.

Au final, Stocamine a enfoui ses premiers déchets en 1999. L’apport en déchets a été arrêté après l’incendie en septembre 2002 d’un des lieux de stockage, le “bloc 15”: 44’000 tonnes de déchets avaient alors été déjà enterrées.

Depuis, au gré des différentes décisions des gouvernements successifs, environ 2000 tonnes de déchets contenant du mercure, donc particulièrement dangereux pour les sols, ont été extraites.

Risques pour les mineurs

Le 5 janvier, la ministre était descendue dans la mine et avait promis de rendre sa décision d’ici la fin du mois, sans cacher sa préférence déjà pour un confinement des déchets restants.

Au contraire, élus locaux et associations de défense de l’environnement, inquiets d’une éventuelle pollution de la nappe phréatique, plaidaient pour que les déchets encore accessibles soient sortis au maximum de la mine avant qu’il ne devienne trop dangereux d’y descendre.

Le porte-parole d’EELV Alsace Loïc Minery, conseiller municipal de Mulhouse, a aussi fustigé sur Twitter “le cynisme d’un Etat menteur”, critiquant une “décision terrible et affligeante”.

Porte-parole du collectif “Déstocamine”, Yann Flory a dit “tomber des nues” face à cette décision prise plus rapidement que prévu et “doublement révoltante”, car “elle va à l’encontre du bon sens” et “est assortie d’un odieux marché” avec cette enveloppe de 50 millions d’euros qui ne concerne pas Stocamine.

“Héritage empoisonné”

Dans une motion adoptée vendredi, la nouvelle Collectivité européenne d’Alsace (CEA) réclamait encore “le déstockage immédiat et le plus total possible des déchets enfouis à Stocamine”, ne voulant “pas que l’Etat lègue aux générations futures un héritage empoisonné qui deviendra intraitable après fermeture de la mine”.

La ministre a au contraire considéré que “les avantages potentiels d’un déstockage complémentaire des déchets ne sont pas démontrés et (que) celui-ci présenterait des risques significatifs pour les travailleurs”.

La décision prise est donc de confiner au plus vite les déchets restants, d’ici 2024 pour un coût de 120 millions d’euros, a précisé à l’AFP le ministère.

“L’objectif est d’éviter que de l’eau arrive au contact des déchets”, a-t-on ajouté. Du béton va être coulé dans les cellules où sont stockés les déchets, puis des “bouchons” vont être positionnés pour condamner l’accès aux zones de stockage et une “galerie de contournement” doit permettre à l’eau de s’évacuer sans s’approcher des déchets.

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