Deux femmes s’attaquent à la bourgeoisie

A la Comédie de Genève, la chorégraphe Mathilde Monnier et la célèbre romancière Christine Angot interprètent «La Place du singe».
Un spectacle qu’elles ont conçu à deux et dans lequel elles s’interrogent sur leur vie dans la société bourgeoise.
Après son passage cet été au festival d’Avignon et avant sa prochaine halte au prestigieux festival d’Automne à Paris, «La Place du singe» se pose une petite semaine à la Comédie de Genève.
Juste le temps d’aller voir et écouter la romancière française Christine Angot et sa compatriote, la chorégraphe et danseuse Mathilde Monnier, dans ce spectacle qu’elles ont conçu ensemble et qu’elles interprètent en tandem.
Une complicité lie depuis quelques années les deux femmes qui n’en sont pas à leur première collaboration. Et encore moins à leurs premières interrogations sur leur travail et leurs angoisses existentielles. Sur leur place d’artistes, également, dans la société d’aujourd’hui. Entendez la société bourgeoise que l’une et l’autre appréhendent, mais de manière différente.
Ceux qui lisent Chrisrine Angot («L’Inceste», «L’Usage de la vie», «Peau d’âne»…) savent qu’elle est née hors mariage d’un père intellectuel brillant. Un père qu’elle admire mais qui la rejette et avec lequel elle a toujours rêvé une fusion heureuse.
Sur cette filiation douloureuse, Angot revient de façon obsédante dans ses romans. Et c’est sur elle qu’elle s’attarde également dans «La place du singe».
Rébellion narcissique
Sur scène, Angot lit. Et sa lecture passionnée est un combat avec la vie; un corps à corps aussi avec les mots qu’elle lance souvent le poing en l’air. Il y a un concentré des romans de Christine Angot dans ce spectacle où la bourgeoisie, qui exerce sur l’auteur une fascination écoeurée, en prend plein la figure.
Mathilde Monnier ne ménage pas non plus ses gestes. Sa danse, qui apparaît comme un sur-titrage corporel des phrases d’Angot, est un exorcisme. Monnier tire à bout portant sur cette bourgeoisie dont elle est issue. Née dans une grande famille d’industriels alsaciens, la chorégraphe rejette, mais de manière ludique, son milieu.
A la sortie du spectacle, elle confie: «La danse m’a aidée à me débarrasser de ma peau de bourgeoise. Elle m’a permis de me constituer un corps à moi qui n’est plus captif des inhibitions que cultive la bourgeoisie».
Certes, il y a du narcissisme dans la démarche des deux femmes obstinément tournées vers leur vie d’artistes, ou leur vie tout court.
Mais quand on le fait remarquer à Mathilde Monnier, la chorégraphe s’en défend: «Ce spectacle n’est pas que personnel. Nous sommes tous des bourgeois, comme le dit Christine Angot. Et chacun de nous éprouve, à un moment donné de son existence, le besoin de se soustraire aux exigences de son milieu. Mais chacun le fait à sa manière».
swissinfo, Ghania Adamo
«La Place du singe», à voir à la Comédie de Genève, jusqu’au 1er octobre.
– Née Christine Schwarts, Christine Angot (du nom de son père) passe son enfance à Châteauroux puis à Reims. Etudes d’anglais et de droit.
– Christine Angot a 23 ans quand elle commence à écrire. C’est la maison d’éditions ‘L’Arpenteur’ qui va publier son premier roman ‘Vu du ciel’, en janvier 1990.
– Romancière, nouvelliste et dramaturge résidant à Montpellier, Christine Angot est propulsée dans les médias en 1999 suite à la parution de son septième roman, ‘L’inceste’.

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