«Oh les beaux jours» qui se suivent…

Le Théâtre de Vidy-Lasanne propose une version de «Oh les beaux jours» de Samuel Beckett mise en scène par le Français Joël Jouanneau.
La célèbre pièce de l’écrivain d’origine irlandaise est presque un leitmotiv de Vidy, qui en a déjà présenté les versions de Peter Brook ou de Béjart…
Au fil des saisons, certains théâtres développent une logique de programmation, pour le bonheur de leur public. C’est le cas à Vidy-Lausanne où les Beckett se succèdent mais ne se ressemblent pas, et c’est d’autant plus enrichissant.
Des pièces de Samuel Beckett, il y en a donc eu plusieurs ces dernières années à Vidy. Mai il y en a une qui revient tel un leitmotiv, peut-être parce qu’elle est un reflet fidèle de nos vies, ce qu’il y a de plus répétitif dans nos vies.
Son titre? «Oh les beaux jours». A écrire, comme le veut l’auteur, sans point d’exclamation. Car il n’y a pas de quoi s’exclamer devant la répétitivité lassante des choses. C’est du moins ce que pensait Beckett le désabusé. Mais ce n’est pas forcément ce que pensent ses metteurs en scène, du moins quelques-uns d’entre eux.
De Brook à Béjart
Il y eut donc, en 1997, à Vidy toujours, une première version de «Oh les beaux jours», celle donnée par Peter Brook; lequel dirigeait sa propre épouse Natacha Parry. Natacha Parry jouait alors le rôle de Winnie, l’héroïne de la pièce. Winnie, une femme d’âge mûr, prisonnière du temps qui passe et enfouie, d’abord jusqu’à la taille, puis jusqu’au cou, dans un mamelon de terre.
Ce symbolique mamelon devenu, grâce à Beckett, la plus célèbre prison féminine. Natacha Parry semblait alors subir sa prison comme une fatalité qui laissait planer sur scène un sentiment d’ennui tragique.
Puis en 2002, il y eut la version de Maurice Béjart, celle-là beaucoup plus gracieuse. Forcément. Le chorégraphe s’écartait alors malicieusement du texte de Beckett qu’il rebaptisait «L’Heure exquise».
Et son spectacle était exquis. Sa Winnie était interprétée par une ancienne danseuse, Maina Gielgud, qui se trouvait enfermée dans un mamelon, non pas de terre mais de ballerines. Des centaines de chaussons en satin rose enserraient la danseuse. Et chacun d’eux paraissait être le souvenir mirifique d’un passé glorieux qui arrachait Winnie à son présent fané.
Pour arriver à Jouanneau
Toutes les femmes sont dans cette Winnie. Celle du metteur en scène Joël Jouanneau est une incorrigible optimiste. Jouanneau, qui présente donc actuellement au Théâtre de Vidy «Oh les beaux les jours», a confié Winnie à l’actrice Mireille Mossé. Celle-ci est une lilliputienne. Et sa difformité physique apporte curieusement une dimension surhumaine à la pièce.
Toute l’angoisse existentielle du personnage est comme justifiée ici par l’infirmité de la comédienne. Mais en même temps, cette infirmité est résorbée au profit du jeu théâtral.
Le spectacle est très ludique. Et Mireille Mossé est admirable de subtilité et de légèreté. Toute petite, toute fragile dans son mamelon de terre, elle fait penser aux personnages de Walt Disney qui parviennent toujours à vous libérer de votre prison. Par magie.
swissinfo, Ghania Adamo
«Oh les beaux jours» de Samuel Beckett, mise en scène de Joël Jouanneau.
A voir à Lausanne, Théâtre de Vidy: du 24 mars au 1er avril.

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