 
Des Russes rendent hommage aux victimes de Staline
 
Quelques dizaines de Russes se sont recueillis jeudi près de Moscou sur le site d'exécutions de masse pendant la terreur stalinienne. Certains disent craindre un retour des persécutions politiques d'ampleur dans le pays.
(Keystone-ATS) Le pouvoir du président Vladimir Poutine a fortement accentué sa répression des voix critiques du Kremlin depuis le début de l’offensive lancée contre l’Ukraine en février 2022, condamnant des centaines de personnes à de longues peines de prison.
Si l’on semble encore loin de l’envergure des persécutions staliniennes, qui ont coûté la vie à des millions de personnes, chez certains Russes, la peur d’un «retour» aux horreurs du passé est réelle.
«On peut voir beaucoup de signes inquiétants. Un retour est possible», dit à l’AFP Olga, une infirmière de 44 ans venue déposer des fleurs au mémorial de Boutovo, à 10 km au sud de Moscou, à l’occasion de la journée d’hommage aux victimes des répressions soviétiques, commémorée le 30 octobre en Russie.
En 1937 et 1938, plus de 20’000 personnes ont été fusillées par les services secrets soviétiques (NKVD) et enterrées dans des fosses communes sur le terrain d’entrainement militaire de Boutovo.
Pendant ces deux années, considérées comme le summum de la Grande terreur stalinienne, plus de 750’000 citoyens soviétiques ont été exécutés et plus d’un million déportés dans les camps du goulag, selon les estimations des historiens.
«C’est notre histoire et nous devons en tirer les leçons», plaide Kristina, une paysagiste de 49 ans, venue apporter des fleurs sur les lieux où son arrière grand-père a été fusillé. Tamara Chichkova, une institutrice à la retraite de 61 ans, pense également que «tout ce qui s’est passé en 1937 peut se répéter à tout moment». Elle précise habiter non loin de là.
«Mes voisins du village ne viennent pas souvent ici. Chacun vit dans sa petite maison et ne pense qu’aux choses matérielles et à son quotidien», regrette-t-elle, estimant que ses compatriotes «ont oublié Dieu».
«Aucune enquête»
Dans la matinée, un office funèbre a été célébrée à l’Église des Nouveaux Martyrs située sur le territoire du mémorial de Boutovo. Et pendant toute la journée, des prêtres et des bénévoles ont lu sans interruption les noms de fusillés.
Lidia, une historienne de 58 ans, venue rendre hommage à son arrière grand-père assassiné à Boutovo, regrette que 90 ans après «aucune enquête n’ait été effectuée» sur ces meurtres et que leurs auteurs n’aient pas été identifiés. «On ne pourra pas les punir, car cela a eu lieu il y a longtemps. Mais il faut au moins les nommer, pour que cela ne se répète pas», estime Lidia.
En 2021, les autorités russes ont classé secret défense les noms des membres du NKVD ayant mené la Grande terreur stalinienne. Si Vladimir Poutine condamne de temps à autre les crimes soviétiques, la ligne suivie par le Kremlin consiste à les minimiser et les victimes des répressions sont réduites à la portion congrue dans les manuels d’histoire.
Staline y est en premier lieu présenté en héros de la Deuxième Guerre mondiale et en tombeur du nazisme, dans un contexte de glorification de la puissance militaire de l’URSS, en particulier depuis l’attaque contre l’Ukraine, où le Kremlin assure combattre des «néo-nazis».
«Tout ce qui se passe aujourd’hui en Russie est terrifiant. Des monuments dédiés à Staline sont érigés partout dans le pays», affirme jeudi à Boutovo une autre femme, sous couvert d’anonymat.
«Le musée de l’histoire du Goulag (situé à Moscou, NDLR) a été fermé en 2024», déplore-t-elle. «Et c’est un miracle qu’ils n’aient pas encore touché au mémorial de Boutovo».
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
