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L’humanité à l’aube du déclin démographique

Le pic de l'Inde pourrait être atteint en 2047, selon une étude parue dans The Lancet en 2020. Le pays compterait alors 1,6 milliard d'habitants. Keystone / Bikas Das

Selon une étude de l'Université de Washington, la grande majorité des pays feront face à une diminution de leur population d'ici 2050. En Corée du Sud, au Japon ou en Italie, le déclin démographique a déjà commencé.

Avec en moyenne 1,1 enfant par femme, la Corée du Sud détient le record du taux de fécondité le plus bas du monde. Dans de nombreux établissements scolaires du pays, les classes ferment les unes après les autres, faute d’écoliers. La population sud-coréenne a même commencé à décliner en 2021. La Corée du Sud n’est pas le seul pays dans ce cas. Le Japon et la Russie, par exemple, se battent depuis des années contre une démographie déclinante.

En Europe, l’Italie est un cas d’école avec 1,3 enfant par femme en moyenne, l’un des taux les plus bas du continent. «C’est une nouvelle réalité qui ne concerne pas l’ensemble du monde», analyse Philippe Wanner, professeur de démographie à l’Université de Genève. «Elle concerne certains pays et certaines régions qui sont confrontés à une diminution très forte de la fécondité.»

>> L’émission Géopolitis de la RTS consacrée à l’effondrement démographique de la planète:

Contenu externe

Majorité des pays en déclin en 2050

Selon une récente étude de l’Université de WashingtonLien externe, 151 des 195 pays du globe verront leur population décroître d’ici 2050. À l’échelle mondiale, l’étude entrevoit un pic de la population, atteint en 2064, à 9,7 milliards, avant un fléchissement. Cette prévision vient contredire l’estimation moyenne des Nations unies prévoyant un accroissement continu jusqu’à la fin du siècle. Les chercheurs tablent notamment sur une baisse plus rapide des naissances dans les pays en développement.

Selon Philippe Wanner, deux éléments importants entrent en ligne de compte pour expliquer la baisse de la natalité dans les pays qui la connaissent déjà: «D’une part, c’est la conciliation de la vie familiale avec la vie professionnelle. À ce niveau, c’est le rôle des gouvernements d’agir. D’autre part, c’est cette question de l’égalité des sexes, non seulement dans la société mais aussi dans la vie familiale.» Il existe, par exemple, des liens entre le niveau d’éducation et la propension des couples à faire des enfants. Selon une étude d’HSBCLien externe, de manière générale, le taux de fécondité des femmes est plus bas dans les pays où une partie importante de la population a fait des études supérieures.

Il y aurait aussi une corrélationLien externe entre le partage des tâches ménagères et le nombre d’enfants par ménage: dans les pays où les tâches ménagères sont mieux réparties dans le couple, le taux de fécondité a tendance à être plus élevé. C’est, par exemple, ce que l’on peut constater en Europe. «Les pays nordiques ont une fécondité qui est plus élevée que les pays qui sont un petit peu plus traditionnels dans la manière de voir les relations entre hommes et femmes», analyse Philippe Wanner.

L’échec des politiques natalistes

Pour encourager les naissances, de plus en plus de pays se lancent dans des politiques natalistes, avec par exemple des aides financières pour les familles, l’ouverture de crèches ou de jardins d’enfants ou encore la mise en place d’avantages fiscaux. Certains pays vont encore plus loin. Au Japon, le gouvernement finance des programmes d’intelligence artificielle pour aider les Nippons à trouver l’âme sœur. L’Iran mise, de son côté, sur une politique très intrusive, en interdisant la stérilisation et en restreignant l’accès aux contraceptifs.

Pays le plus peuplé du monde, la Chine a abandonné sa politique de l’enfant unique. Les couples peuvent désormais avoir trois enfants. Mais les naissances n’ont pas pour autant augmenté. Selon les prévisions de l’Université de Washington, la population chinoise devrait diminuer de moitié d’ici 2100, tombant à 730 millions contre presque un milliard et demi aujourd’hui.

RTS-SWI

Selon Philippe Wanner, l’efficacité des politiques natalistes est en général limitée. «On a beaucoup d’exemples de politiques natalistes, notamment dans les pays communistes. En fait, leur impact principal, c’est de modifier le calendrier des naissances, avec par exemple des générations très nombreuses suivies de générations beaucoup moins nombreuses. Donc ce sont plutôt des accidents démographiques qui ne sont pas forcément très favorables pour la gestion économique et sociale de la population.»

«Je suis plutôt pour le laisser-faire», poursuit le démographe. «Car essayer d’influencer les évolutions démographiques n’aboutit pas à des résultats qui soient concluants. En revanche, il me semble important de mener une réflexion à la fois à l’échelle nationale mais aussi internationale sur les transformations que représente le vieillissement démographique.»

Retraite et main-d’oeuvre

Avec la baisse de la natalité et l’augmentation de l’espérance de vie, le vieillissement de la population mondiale s’accélère. Neuf pour cent des habitants de la planète sont âgés de 65 ans ou plus, un taux en augmentation continue. C’est un défi pour le financement des systèmes de retraites de nombreux pays. Au sein des États membres de l’OCDE, l’âge normal de la retraite devrait d’ailleurs augmenter de deux ans en moyenne, passant de 64,2 ans en 2020 à 66,1 ans dans les années 2060, pour les hommes.

Certains pays comme l’Allemagne et dans une moindre mesure le Japon misent aussi sur l’immigration pour rééquilibrer la pyramide des âges et lutter contre la pénurie de main-d’oeuvre. Le nouveau gouvernement allemand ambitionne d’attirer 400’000 travailleurs étrangers par an. Car si rien ne change, la population active du pays pourrait baisser d’une dizaine de millions de personnes d’ici 2060.

Pour Philippe Wanner, la migration est une mesure qui fonctionne pour les pays dont l’économie est attractive, comme la Suisse. Mais cette solution pourrait être moins efficace à l’avenir, car la situation démographique des pays de provenance des travailleurs étrangers évolue: «On se rend compte qu’à l’étranger le marché du travail commence aussi à être saturé. Les personnes candidates à venir en Suisse pourraient manquer.»

Avec une moyenne de sept enfants par femme, le Niger enregistre le taux de fécondité le plus élevé au monde. Sa population est passée de 3,5 millions de personnes en 1960 à 25 millions en 2020.

D’ici à 2050, plus de la moitié de la croissance démographique mondiale proviendra du continent africain selon l’ONU. À cette échéance, la population africaine devrait doubler pour atteindre 2,5 milliards d’habitants contre 1,3 milliard aujourd’hui.

À horizon 2100, cinq pays africains feront partie des plus peuplés de la planète: l’Égypte, la République démocratique du Congo, l’Éthiopie, la Tanzanie et le Nigeria.

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