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Les montres suisses encore réglées sur croissance

L'Horlogerie suisse voit toujours plus grand. Keystone

Au sortir des salons de Bâle et Genève, l'horlogerie suisse conserve son optimisme, malgré les nuages qui s'accumulent sur l'économie mondiale. Président de la Fédération de l'industrie horlogère suisse, Jean-Daniel Pasche s'explique.

Baselworld et le Salon mondial de la haute horlogerie (SIHH) – vu l’ampleur des affaires qui y sont amorcées – sont connus pour être de bons baromètres horlogers. Et au final cette année, les exposants parlent de «millésime de rêve» ou, avec plus de pondération, d’«excellent bilan».

swissinfo: Quels enseignements tirez-vous de ces deux salons?

Jean-Daniel Pasche: Ils confirment le bon début d’année de l’horlogerie suisse en matière d’exportations [+18,3% en février]. On constate que ce rythme s’est maintenu durant les salons, dans la mesure où les visiteurs sont venus et où les marques, d’une manière générale, sont assez satisfaites des contacts et des commandes enregistrées.

Lors de ces salons, l’ambiance s’est avérée positive. Ce qui constitue une rupture par rapport à l’ambiance générale perturbée par les turbulences boursières et financières.

swissinfo: Certains acheteurs/distributeurs ne sont pas aussi optimistes. N’y a-t-il pas, de la part des horlogers suisses, un zeste d’intox?

J.-D.P.: Je parle au nom de l’horlogerie suisse où le discours est, dans l’ensemble, positif. Mais il peut y avoir des divergences de vues, comme, également, chez les distributeurs.

J’ai rencontré des distributeurs chinois et indiens mais aussi des distributeurs américains extrêmement positifs pour 2008. Cela ne veut pas dire que tous partagent la même opinion, effectivement.

swissinfo: N’est-ce pas illusoire d’escompter passer entre les gouttes du ralentissement économique à venir?

J.-D.P.: Pour le moment, on ne ressent aucun ralentissement. Le passé a montré qu’il n’y a pas forcément de lien direct et d’effet immédiat des turbulences financières et boursières sur la bonne marche de l’horlogerie.

Et si un marché venait à avoir des difficultés – les Etats-Unis par exemple –, d’autres marchés pourraient compenser. Notre présence dans les autres régions du monde s’est affermie ces dernières années.

Ceci dit, nous pensons que 2008 sera une meilleure année que 2007. Les éléments en notre possession nous confortent dans cette opinion. La proportion est difficile à anticiper, mais, en soi, dépasser 2007 sera déjà assez fantastique, vu la qualité de cet exercice [16 milliards de francs d’exportations, +16,2%].

swissinfo: L’horlogerie suisse tend toujours plus à se confiner dans le luxe. N’est-ce pas risqué, sachant que la consommation du luxe tient plus de l’accessoire que du nécessaire?

J.-D.P.: La question se pose dans tous les segments de prix: dans quelle mesure une montre est-elle nécessaire? Cela dit, il est important que l’horlogerie suisse soit présente dans tous les segments du marché – entrée de gamme, milieu de gamme, haut de gamme.

D’une part, si on veut conserver un leadership, il faut pouvoir offrir des produits dans tous les segments. D’autre pas, cette question est liée à la maîtrise des technologies, importante aussi dans l’entrée de gamme, utile aussi dans d’autres segments du marché.

swissinfo: Mais il faut bien constater que l’innovation se fait surtout dans le haut de gamme, la haute horlogerie…

J.-D.P.: Pendant longtemps, on pouvait avoir l’impression qu’il ne se passait pas grand chose dans le domaine mécanique. Tout semblait avoir été inventé. Depuis quelques années, ce domaine-là aussi est une grande source d’innovation. Je pense à l’usage de certains alliages et de certains matériaux dans les composants, pour en améliorer la fiabilité ou en changer l’apparence.

L’innovation est particulièrement dynamique dans le haut de gamme et le mécanique. Cela ne signifie pas qu’elle ne se fait pas dans les autres secteurs. Il suffit de prendre l’exemple des montres tactiles, où les fonctions se gèrent sur le verre de montre.

swissinfo: Un groupe chinois (Peace Mark) a racheté un important fabricant suisse de mouvements mécaniques (STM Holding et Soprod) et lorgne vers le haut de gamme. Une inquiétude, pour les horlogers suisses?

J.-D.P.: Nous vivons dans un marché libre. Il est normal que des investisseurs étrangers puissent investir dans l’horlogerie suisse, pour autant qu’ils respectent nos lois. Bien des entreprises suisses font la même chose à l’étranger.

swissinfo: Mais le risque n’est-il pas que la production du haut de gamme se retrouve en Chine?

J.-D.P.: Aujourd’hui déjà, la très grande majorité des produits horlogers [en termes de quantités] sont fabriqués en Chine. Certaines marques y sont aussi produites. Evidemment, ce ne sont pas des produits «swiss made».

Aux marques ensuite de se positionner et de savoir si elles tiennent à pouvoir bénéficier du label «swiss made» et de tout ce qui lui est attaché. Ce qui n’est pas possible en étant produites en Chine.

swissinfo: Selon une récente étude de ECS Conseil, le «swiss made» ne serait pas crucial dans l’acte d’achat. Pourquoi, alors, s’évertuer à le renforcer?

J.-D.P.: Cette étude ne portait que sur des marques suisses. Dans la mesure où on interroge les consommateurs sur les éléments qui vont faire la différence, le «swiss made» n’en est pas un, puisqu’elles sont toutes suisses [plus de 600 marques bénéficient du «swiss made»].

A voir l’ampleur des abus dont fait l’objet le «swiss made», on peut, au contraire, se dire qu’il a encore de la valeur. Les contrefacteurs ne copient que ce qui a du succès.

Interview swissinfo, Pierre-François Besson

L’horlogerie suisse a exporté en 2007 pour 16 milliards de francs de produits horlogers (+16,2% par rapport à 2006). Dont 14,8 milliards de francs de montres terminées, soit 25,9 millions de pièces (+1 million).

En termes de marché, l’Asie a enregistré la plus forte croissance (+18,9%) et draine 44% des exportations suisses. Suivent l’Europe (+17,6% à 34%), puis les Amériques (+9,5% à 20%).

Troisième branche économique du pays, l’horlogerie emploie plus de 45’000 collaborateurs, essentiellement dans l’Arc jurassien et la région genevoise.

Le 36e Salon mondial de l’horlogerie et de la bijouterie Baselworld s’est achevé le 10 avril sur une hausse de 5% du nombre de visiteurs (106’800). 2087 sociétés exposantes de 45 pays ont participé.

Elle, fermé au grand public, la 18e édition du Salon international de la haute horlogerie (SIHH) a fermé ses portes le 12 avril. Elle a accueilli 14’000 visiteurs de la branche et des médias. Seize marques horlogères y présentaient leurs produits.

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