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Ospel parti, il reste la crise

Marcel Ospel fait la une de tous les journaux suisses. swissinfo.ch

La presse suisse commente le grand ménage effectué par UBS en multipliant les points d'interrogation. Les éditorialistes saluent le départ de Marcel Ospel, mais font surtout preuve d'une certaine inquiétude quant à l'avenir de la première banque helvétique.

«UBS a-t-elle enfin touché le fond?», cette question posée par Le Temps résonne dans toute la presse helvétique au lendemain de la série d’annonces choc faites mardi par UBS, fleuron de la place financière suisse.

Perte de 12 milliards de francs suisses au 1er trimestre, nouveaux amortissements à hauteur de 19 milliards sur le marché américain des hypothèques à risques, nouvelle augmentation de capital de 15 milliards et départ du président du conseil d’administration Marcel Ospel. La journée de mardi restera dans les annales de l’histoire bancaire du pays.

Et 24 Heures de renchérir: «Quand UBS, premier établissement bancaire suisse, va-t-il sortir du trou?» Aucun éditorialiste ne va toutefois jusqu’à prédire la disparition de l’établissement bancaire, la plupart mettant en avant sa solidité.

Des doutes sur l’avenir

«UBS ne sombrera pas. Car la plus grande partie de son activité est saine et promet encore de beaux rendements», souligne ainsi le Bund de Berne. Mardi, la Bourse suisse est allée dans la même direction: l’action UBS y a bondi de 12%. Un signal que le quotidien bâlois Basler Zeitung interprète positivement.

Mais les doutes sont partout présents. «Une troisième augmentation de capital ne sera pas nécessaire, clament les pontes d’UBS. Mais personne ne peut donner de garantie à ce sujet», fait ainsi remarquer le Bund.

Scepticisme également du côté de la Tribune de Genève, qui estime que «le nouveau plan de recapitalisation et le tour de passe-passe qui vise à isoler artificiellement les activités d’investissement aux Etats-Unis, pour rendre sa brillance à la marque UBS, constituent tout sauf des gages d’assainissement».

Parmi les mesures prévues, UBS a en effet également annoncé la création d’une unité distincte pour les positions liées à l’immobilier américain. «Cosmétique», affirme le Bund, là où la Basler Zeitung salue une mesure susceptible de rétablir la confiance.

Un digne successeur?

Le retrait de Marcel Ospel fait en revanche l’unanimité. De la Berner Zeitung qui titre sur le «Grounding de Marcel Ospel» à la Tribune de Genève qui estime qu’il s’agit de «la seule bonne nouvelle de la sombre journée d’hier», les journaux soulignent la nécessité de ce départ.

La sortie «pitoyable», comme la qualifie Le Temps, de Marcel Ospel laisse la place à Peter Kurer. Les journaux relèvent généralement à son propos que ce juriste est un homme du sérail et surtout un homme de transition.

Grâce à ses compétences, il pourrait sortir UBS de la crise, admet la Berner Zeitung. Perplexe, la Tribune de Genève estime au contraire que là où «il fallait un spécialiste de la finance, capable de dénouer l’écheveau d’une crise hautement complexe, la banque désigne un juriste à la hâte.»

Le Corriere del Ticino y voit quant à lui une volonté stratégique. «Après les aventures périlleuses des ‘hommes du marché’, voici venu le temps des hommes de loi, capables de se confronter aux nouvelles règles édictées par des autorités de surveillance qui vont devenir de plus en plus sévères», écrit le journal tessinois.

Impact sur le pays

Nombreux sont les commentateurs à s’intéresser également à l’effet de cette crise sur la conscience collective helvétique. Car les mauvaises nouvelles émanant du secteur bancaire rappellent immanquablement la débâcle de la compagnie nationale d’aviation en 2001.

«Ce n’est pas Swissair bis», assure toutefois 24 heures, tout en soulignant que «cette crise aura un impact sur la Suisse. Fiscalement, et sans doute aussi au niveau de l’emploi». Le journal zurichois Tages Anzeiger se préoccupe lui des conséquences pour la place financière helvétique.

Les journaux romands se montrent par ailleurs critiques quant aux instances fédérales. Le Temps par exemple juge que l’aveu de quasi-impuissance de la Commission fédérale des banques (CFB) constitue un «événement» plus marquant que les annonces choc d’UBS.

De son côté, la Tribune de Genève fustige les déclarations «sidérantes» du ministre des Finances Hans-Rudolf Merz. «A la radio, ses remerciements à Marcel Ospel pour son formidable travail de redressement frisaient l’indécence, tandis que, dans nos colonnes, son optimisme béat sur l’avenir est bien plus irritant qu’apaisant», note l’éditorialiste.

Pour Le Temps, les difficultés d’UBS ont néanmoins une vertu: elles offrent à la Suisse l’occasion de réaliser «au plus profond de ses tripes la fragilité d’un système bancaire où deux géants pèsent d’un poids sans égal au monde sur le produit intérieur brut».

swissinfo, Carole Wälti

Née de la fusion entre la Société de banques suisse (SBS) et l’Union de banques suisses (1997), UBS est la plus grande banque helvétique et la 7e au monde en terme de capitalisation boursière.

Après des bénéfices records en 2005 et 2006, UBS a subi de nombreux revers en 2007. En mai, elle a annoncé la liquidation de son hedge fond (fond spéculatif) Dillon Read. En juillet, le CEO Peter Wuffli quittait ses fonctions sans donner de motifs.

En octobre, UBS reconnaît avoir perdu 4,2 milliards de francs suite à la crise du marché immobilier aux Etats-Unis (subprime) et annonce 1500 suppressions d’emplois. Pour la première fois en neuf ans, UBS clos ses comptes du 3e trimestre dans le rouge.

Au 4e trimestre, UBS enregistre une perte de 12,5 milliards de francs. En décembre, la direction annonce un plan de recapitalisation de 13 milliards de francs avec des fonds en provenance de Singapour et du Moyen-Orient.

En janvier 2008, la banque annonce une perte totale de 4,4 milliards de francs en 2007. Ce mardi, UBS a annoncé une nouvelle dépréciation d’actifs de 29 milliards.

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