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Les droits politiques ne sont pas un outil d’inclusion

Demi Hablützel
Série Inclusion, Épisode 3:

Demi Hablützel est présidente des Jeunes UDC du canton de Bâle-Ville. Comme la majorité de ses concitoyens et concitoyennes, cette juriste de profession estime que les droits politiques devraient rester réservés aux citoyens et aux citoyennes helvétiques.

La nationalité suisse s’obtient soit par filiation, c’est-à-dire que nous la recevons de nos parents (ius sanguinis ou principe de filiation), soit, plus tard, par naturalisation.

Les droits politiques sont ensuite liés à la nationalité. Le droit de vote et d’éligibilité permet de faire (davantage) partie politiquement de la société d’un pays (démocratique) avec la nationalité appropriée. Que ce soit de manière active ou passive.

Plusieurs événements récents nous amènent à réfléchir sur les raisons qui ont amené les crises que nous avons connues ces dernières années sur le plan national, européen et mondial. En ce qui concerne la Suisse: comment notre démocratie doit-elle être organisée à l’avenir, et jusqu’où la participation politique doit-elle aller, afin de mieux maîtriser, voire d’éviter les crises grâce à des structures démocratiques – en tant que pays ou équipe?

La démocratie traverse sa plus grande crise depuis la Seconde Guerre mondiale et la période de la Guerre froide.

Sur le long terme d’abord, en raison de la tendance à la recrudescence de l’autoritarisme et des autocrates depuis une quinzaine d’années.

A court terme ensuite, du fait de la pandémie du coronavirus et depuis la guerre d’agression de la Russie à l’encontre de l’Ukraine.

La résilience apparaît comme le facteur clé dans le débat sur la gestion de cette crise à ressorts multiples. Les démocraties doivent renforcer «de l’intérieur» leurs capacités de résistance et leur robustesse afin de mieux faire face aux menaces.

Dans le cadre de notre série, nous mettons l’accent sur un principe de la démocratie encore peu apparu dans le débat sur la résilience: l’inclusion.

Nous présentons des personnes qui s’engagent pour la «deep inclusion», soit l’inclusion pleine et entière de toutes les minorités importantes. La parole est aussi donnée aux opposants, bien conscients d’avoir la majorité politique du pays derrière eux.

C’est ici qu’intervient l’inclusion comme option à discuter, la «destination» sur le chemin qui mène de l’exclusion liée à la séparation jusqu’à l’intégration. Inclusion: un terme que nous rencontrons de plus en plus souvent aujourd’hui, en politique et dans la société. Inclusion: une forme de société qui permet à chaque personne de participer, dont tout le monde bénéficie, sans restriction, indépendamment des normes et des efforts individuels pour en faire partie ou pour en devenir un constituant précieux.

La démocratie directe comme garantie de succès

Ce qui semble tout à fait romantique du point de vue de l’éthique sociale a bien sûr ses inconvénients.

Face à ces crises, les activistes réclament une démocratie plus robuste et une extension de la possibilité, pour chaque individu, de participer au processus politique. Une démocratie plus robuste? Plus robuste que la nôtre en Suisse? Pardon?

Une démocratie stable et une participation directe de la population au processus politique sont évidemment essentielles et expliquent en partie les conditions paradisiaques qui règnent ici en Suisse par rapport au reste du monde. Sans les piliers de la démocratie, beaucoup de choses ne pourraient exister, comme en témoigne la situation de nombreux autres pays du monde.

En bref: la Suisse est un modèle de réussite et la démocratie directe en est la garante! Elle permet à tous les citoyens et citoyennes de prendre part aux décisions politiques (et par conséquent économiques), à court, moyen et long terme, pour modeler notre avenir.

Cela implique de perdre loyalement lors des votations et des élections, d’accepter les majorités. C’est souvent désespérant et l’on pense alors à la «sagesse» ironique du sport: parfois on perd, parfois ce sont les autres qui gagnent…

Une société typiquement migratoire

Mais justement: les milieux écologistes de gauche exigent de plus en plus souvent que les étrangers et étrangères vivant ici soient intégrés dans le processus politique suisse sans obstacle, ou presque. Et ce, avant même la naturalisation. Il en résulterait une meilleure intégration et, par la suite, une inclusion complète. Participer pleinement, indépendamment de la culture et de la nationalité, serait alors la maxime.

En Suisse, nous avons une société de migration typique et, par conséquent, une croissance démographique dynamique. L’émigration et surtout l’immigration font partie du quotidien de l’État.

Saisir les chances de naturalisation

Conséquence: environ un quart de notre population résidente ne peut pas prendre part au processus politique. Les partis de gauche décrivent ce statut de manière drastique: ces personnes seraient exclues de notre société.

On peut donc se poser la question suivante : le droit de vote des étrangers et étrangères est-il nécessaire? Le principe du ius sanguinis est-il un modèle dépassé? En revanche, le ius soli, le principe de l’attribution de la citoyenneté en fonction du lieu de naissance, serait-il plus conforme à l’esprit du temps?

À mon avis, la question n’est pas de savoir si les personnes étrangères sont exclues de notre processus politique par le statu quo. Car oui, elles le sont. Bien sûr que oui.

Il s’agit plutôt de se demander pourquoi chacune et chacun ne saisit pas la chance d’obtenir le passeport suisse après un certain temps, chance que notre loi offre déjà aujourd’hui. Si la personne le veut vraiment! Il existe plusieurs options qui, pour la plupart, reposent sur des conditions raisonnables. Pas toutes, d’accord. Et pour celles-ci, je peux tout à fait imaginer des corrections.

La démocratie signifie, entre autres, que toutes et tous ont la même chance de faire valoir leur droit à l’autodétermination, de participer à l’organisation de la communauté et de l’État.

Une récompense méritée pour l’intégration

Tant le principe du ius soli que le droit de vote des étrangers et étrangères n’apportent pas en soi la garantie d’une intégration réussie. L’intégration est avant tout une question de volonté et d’utilisation de toutes les ressources individuelles possibles sur un «terrain de jeu» donné.

Les droits politiques ne devraient donc pas constituer un outil d’intégration, mais représenter l’objectif mérité à la fin d’un processus personnel. Le fait de naître et de grandir en Suisse n’assure aucunement une intégration réussie.

Dans le cas du jus soli, la naturalisation est automatique. Les États-Unis, par exemple, l’ont introduit pour encourager l’immigration. Mais la Suisse veut-elle faire de même? Nous qui n’avons aucun problème avec les candidats et candidates à l’immigration du monde entier?

L’abandon du ius sanguinis au profit du ius soli irait à l’encontre de l’objectif d’une gestion raisonnable de la politique d’immigration et de naturalisation, au service des intérêts réels de la Suisse (et non d’une idéologie subjective!).

Le droit de vote des étrangers et étrangères balayé par la démocratie directe

Au niveau communal et cantonal, mais aussi sur le plan national, les partis de gauche et verts remettent régulièrement le droit de vote des étrangers et étrangères sur la scène des votations. Pourtant, il est évident que cette idée n’a pas la moindre chance d’être acceptée par le peuple, qui l’a déjà clairement rejetée à plusieurs reprises.

Car objectivement – comme nous l’avons décrit – la Suisse ne tirerait aucun avantage du ius soli! Ou, formulé autrement et de manière concise: pourquoi une récompense avant la performance? Pourquoi des droits politiques avant l’intégration?

Il est donc évident que des droits politiques accordés trop tôt ne sont absolument pas une garantie d’inclusion au service de la Suisse et des personnes qui y vivent!

Traduit de l’allemand par Lucie Donzé

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