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Manifestation à Colmar contre l’implantation d’un entrepôt d’Amazon

(Keystone-ATS) Elus locaux, commerçants, militants associatifs et citoyens: une centaine de personnes ont fait entendre jeudi soir à Colmar, devant la préfecture du Haut-Rhin, leurs arguments «contre l’implantation d’Amazon à Ensisheim». Ils ont rejeté les déclarations du patron du groupe en France qui assure ne pas avoir de projet «en Alsace».

L’implantation sur des terres agricoles de ce hangar de 189’000 mètres carrés sur quatre niveaux, destiné à fonctionner 24h/24, cristallise les oppositions.

«Aujourd’hui dans le plan de relance, il y a des dispositifs importants pour la préservation du commerce de proximité et la revitalisation des coeurs de ville», a souligné le sénateur écologiste Jacques Fernique. «Faire ça et en même temps laisser faire des implantations destructrices dans les périphéries, comme le sont les grands entrepôts d’e-commerce, c’est complètement contradictoire».

Plusieurs intervenants ont réclamé que le moratoire sur les nouvelles zones commerciales de périphéries, décidé suite à une proposition de la Convention citoyenne pour le climat, soit étendu aux entrepôts d’e-commerce, pour davantage de «cohérence».

Normes pas respectées

N’ayant pas de doute sur la future décision du préfet, Christian Uhrweiller, vice-président de l’association Alsace Nature, a annoncé son intention de formuler plusieurs recours en justice après l’éventuelle autorisation du projet.

«Dans notre démocratie, si on veut s’opposer à un projet, il faut le faire en justice après l’autorisation, il n’y a pas d’autre moyen», a-t-il déclaré. Il a regretté «l’absence de possibilité offerte aux citoyens et aux corps intermédiaires de dire non à un projet».

Il a rappelé que la Dreal (direction régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement), dans un rapport, avait pointé des «dépassements» des normes incendies, et le recours à des «produits réfrigérants», pour assurer la régulation de la température du bâtiment. Une situation «contraire aux objectifs climatiques européens pour 2030».

Dans ce texte, «il est clairement affirmé que le préfet devra agir par dérogation. Quelle que soit la règlementation, on voit qu’il est toujours possible d’autoriser un projet», a encore déploré Christian Uhrweiller.

Concurrence «pas équitable»

Médecin, Yélize Gencer s’interroge sur la «responsabilité des élus» face au développement d’un tel «projet mortifère», qui va mettre «des milliers de camionnettes» sur les routes.

«La pollution atmosphérique tue déjà entre 48’000 et 67’000 personnes de manière prématurée en France chaque année», souligne-t-elle. «Moi, si un jour je fais une mauvaise prescription, à juste titre je peux avoir un procès».

Gérante d’une boutique de vêtements à Sélestat, Aurélie Sutter a également fait le déplacement. «Mon magasin existe depuis 12 ans. Mais avec Amazon, la concurrence n’est pas équitable», dit-elle.

Après la maire écologiste de Strasbourg Jeanne Barseghian mardi, Eric Piolle, le maire de Grenoble, a affiché mercredi son «soutien» aux opposants au projet. «Nous sommes des millions avec vous»,a-t-il écrit dans un message sur Facebook.

Amazon dément

Dans la matinée, Frédéric Duval, le patron d’Amazon France, avait déclaré que son groupe n’avait «pas de projet à Ensisheim ou en Alsace».

«C’est une stratégie de communication un peu laborieuse», a répliqué Loïc Minery, vice-président de l’agglomération de Mulhouse et conseiller municipal. «Cela démontre la fébrilité d’un dirigeant d’habitude plutôt discret, pour tenter de sauver la réputation de son entreprise».

Thierry Engasser, maire de Hombourg, à une trentaine de kilomètres d’Ensisheim, n’a aucun doute sur la présence d’Amazon derrière le projet porté par Eurovia 16 Project, société créée en 2019 et présidée par Kristof Verstraeten, un ancien consultant d’Amazon, selon son profil LinkedIn.

Suisse et Allemagne à proximité

En 2015, M. Engasser avait lui-même été sollicité par «un intermédiaire» à la recherche de terrains pour un projet d’entrepôt géant. «Ils m’avaient présenté un gros truc, pour tout type de produits, et surtout beaucoup de camionnettes. Et ils avaient fini par me dire que c’était pour Amazon». Malgré le potentiel de «recettes fiscales» qui lui avait été exposé, il avait refusé. «Ils sont partis mais ils ont essaimé dans plein de communes».

Christophe Torranelli, maire de Pulversheim, explique l’appétence du groupe américain pour la région par sa «situation stratégique», à la frontière de plusieurs pays européens, et bénéficiant d’un important réseau autoroutier. «Mais cette plateforme, l’Allemagne et la Suisse n’en veulent pas», souligne-t-il. «Et s’ils refusent, c’est certainement que ce modèle économique ne leur convient pas, et qu’il y a une raison».

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