Le sort de Pavel Borodine se décidera jeudi
Pendant trois heures, Me Dominique Poncet et le procureur général genevois Bernard Bertossa se sont livrés une bataille de titans devant la Chambre d'accusation. Enjeu, la mise en liberté de Pavel Borodine, l'ex-intendant du Kremlin, inculpé de blanchiment et actuellement détenu à Genève. Verdict jeudi.
Sur la gauche, robe noire, Dominique Poncet, l’un des quatre avocats de Pavel Borodine. Côté droit, costume et cravate sombres, chemise blanche, Bernard Bertossa, procureur du canton de Genève. L’objectif du premier est de convaincre la Chambre d’accusation de libérer son client. Le second demande au contraire de le maintenir en détention pour trois mois.
Incarcéré depuis samedi à Genève, Pavel Borodine, l’ex-intendant du Kremlin, n’a pas pu assister à la séance de la Chambre d’accusation qui doit décider de son sort. Il a été hospitalisé lundi dans la division des urgences médico-chirurgicales de l’Hôpital cantonal de Genève suite à des douleurs thoraciques.
Dans un Palais de justice sous haute surveillance policière, quasiment blindé, Me Poncet a répété que Pavel Borodine ne pouvait être poursuivi pour blanchiment à Genève alors même que les autorités russes affirment qu’aucune infraction n’a été commise. «Pour cela, il faut qu’il y ait en amont un crime démontré et pas simplement un crime possible», a plaidé l’avocat.
«Le fait que pour des raisons politiques Moscou ne poursuive pas son enquête ne nous empêche pas de continuer la nôtre», rétorque le procureur. Et Bernard Bertossa de dénoncer le système mis en place par Pavel Borodine et ses proches pour empocher plus de 30 millions de commissions suite aux travaux de rénovations du Kremlin. De l’argent versé par les sociétés tessinoises Mabetex et Mercata et qui aurait transité par des banques helvétiques.
«C’est faux, s’emporte Me Poncet, cet argent a simplement transité sur des comptes de Borodine, mais il ne lui appartient pas». En réclamant la mise en liberté de son client, y compris contre le versement d’une caution, Dominique Poncet a précisé que Pavel Borodine et l’Etat russe s’étaient engagés à se présenter aux futures convocations du juge Daniel Devaud. «S’il prenait la fuite, Borodine et la Russie perdraient la face», explique l’homme de loi.
La Chambre d’accusation rendra son verdict jeudi matin. Derrière cette décision se cache un enjeu d’importance. Le spectre de l’affaire Sergueï Mikhaïlov plane sur la justice genevoise. Après avoir été maintenu plus de deux ans en détention préventive à Champ-Dollon, ce présumé parrain de la mafia russe a été acquitté en décembre 1998. L’an passé, la Cour de justice de Genève lui a accordé 800 000 francs d’indemnités pour tort moral et perte de gains.
Bernard Bertossa et le juge Daniel Devaud ont persisté à vouloir poursuivre Pavel Borodine alors que le Parquet russe affirme que l’ex-intendant du Kremlin n’a commis aucune infraction. Si cette procédure se terminait aussi en eau de boudin, la crédibilité du Palais de justice serait à nouveau mise à mal.
Luigino Canal
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