Bras de fer entre gouvernement chaviste et opposition de droite
(Keystone-ATS) Un bras de fer a débuté mardi au Venezuela entre opposition de droite et gouvernement chaviste de Nicolas Maduro. La cérémonie d’investiture des députés élus le 6 décembre lors des législatives s’est déroulée dans un climat de tension faisant craindre des violences.
Au terme d’une cérémonie d’investiture chahutée et marquée par le départ de l’hémicycle des députés pro-chavistes (du nom du président défunt Hugo Chavez, au pouvoir de 1999 à 2013), la nouvelle Assemblée nationale a officiellement pris ses fonctions mardi. Les députés du parti au pouvoir, minoritaires, ont quitté les lieux pour protester contre une « violation » supposée du règlement.
Les partisans des deux bords étaient eux descendus dans la rue et le souvenir des manifestations de 2014, qui avaient fait 43 morts, était présent dans les esprits.
« A partir d’aujourd’hui, les choses changent ici », a déclaré Henry Ramos Allup, le nouveau président du parlement, en évoquant ouvertement le départ de Nicolas Maduro. Dans son discours, cet anti-chaviste farouche a réaffirmé son intention de proposer, « dans un délai de six mois », une voie « constitutionnelle pour changer de gouvernement ».
Les législatives du 6 décembre ont été remportées par la coalition d’opposition de droite, réunie sous le nom de Table de l’unité démocratique (MUD), avec 112 sièges sur 167. Le Parti socialiste unifié du Venezuela (PSUV) n’avait obtenu que 55 fauteuils. Mais les anti-chavistes n’avaient pas réussi à avoir la majorité qualifiée des deux tiers, qui leur aurait conféré de très larges prérogatives.
Une décision contestée
Seuls 163 des 167 députés élus en décembre ont été officiellement investis pour cinq ans. La prise de fonction des quatre députés manquants, trois de l’opposition et un chaviste, est temporairement suspendue par une décision du Tribunal suprême de justice (TSJ).
La plus haute autorité judiciaire du pays a décidé fin décembre de suspendre l’élection de trois députés de l’opposition et d’un chaviste dans l’Etat d’Amazonas (sud). L’opposition ne reconnaît pas cette décision du TSJ, considéré comme un allié du régime chaviste, et entendait bien investir ses 112 députés.
Les Etats-Unis ont souhaité mardi soir une solution « transparente » à ce litige.
L’opposition détient la majorité des trois cinquièmes (109 députés) qui lui permet d’adopter déjà des mesures importantes: s’opposer aux décrets présidentiels de M. Maduro, voter une motion de censure contre des ministres ou le vice-président, pouvant entraîner leur destitution.
Un coup de force
Dans la nuit de lundi à mardi, le président Maduro avait garanti une prise de fonction « pacifique » des nouveaux députés lors de déclarations retransmises à la télévision.
Un signe d’apaisement, après des semaines d’escalade, qui contraste avec sa décision, publiée mardi, de s’attribuer le pouvoir de nommer le président et les dirigeants de la Banque centrale, l’organisme qui régit la politique monétaire du pays. Jusqu’ici, cette attribution revenait à l’Assemblée nationale.
Cette nouvelle décision vient amoindrir la marge de manoeuvre de l’opposition, qui a promis de prendre des mesures fortes pour faire face à la profonde crise économique qui frappe le pays. Le Venezuela, qui possède les plus grandes réserves pétrolières du monde, a vu son économie s’effondrer ces derniers mois au même rythme que les cours du brut.
Pénuries au quotidien et inflation galopante (200% selon les experts) suscitent un mécontentement populaire qui a profité à l’opposition. Désormais divisés et partagés entre espoir et pessimisme, les Vénézuéliens redoutaient le bras de fer entre les pouvoirs exécutif et législatif qui s’annonce dans ce régime présidentialiste.
« Climat de confrontation »
Lundi, M. Maduro, élu en 2013 peu après la mort d’Hugo Chavez, a annoncé qu’il allait présenter un plan d’urgence économique et a dit attendre le soutien de la nouvelle Assemblée.
La capacité à gouverner ce pays et sa stabilité vont dépendre de la manière dont le chavisme va gérer sa défaite et l’opposition sa majorité législative et ses divisions internes, estime Luis Vicente Leon, président de l’institut de sondages Datanalisis.
Selon Diego Moya-Ocampos, expert du cabinet IHS, l’installation de l’Assemblée démontre « le climat de confrontation » qui « marquera les dynamiques politiques de 2016, où les forces armées joueront un rôle clé ».