Clôturés pour être préservés, des marais du Jura se dégradent
(Keystone-ATS) Une comparaison botanique de 110 marais et prairies humides du Jura vaudois et français entre 1974 et 2012 a montré une perte de diversité et une eutrophisation. Les mesures prises pour protéger ces surfaces n’ont pas eu les effets escomptés, selon une étude.
Le but de cette évaluation menée par des chercheurs des universités de Lausanne et Neuchâtel avec des confrères français était de quantifier précisément l’évolution de ces marais situés dans la Vallée de Joux (VD) et en France voisine. Il était apparu que la végétation avait fortement changé durant les dernières décennies, a indiqué Information Biodiversité Suisse (IBS) dans un communiqué.
Les sites d’inventaires floristiques effectués vers 1974 ont été précisément localisés, et 110 d’entre eux ont été répétés en 2012. Globalement, si les conditions ne semblent pas plus sèches qu’auparavant, les scientifiques ont observé une eutrophisation de ces surfaces, soit une accumulation de nutriments favorisant les espèces à croissance rapide.
En conséquence, la diversité spécifique a diminué, avec une raréfaction tout particulièrement marquée des espèces typiques de ces milieux, rapportent les chercheurs dans la revue Applied Vegetation Science. Les marais dont l’exploitation – fauche ou pâture – a été arrêtée il y a 25 ans dans le but de les protéger montrent des changements plus marqués que les surfaces qui ont continué à être exploitées.
Agriculture extensive
L’abandon de l’exploitation semble être la principale cause de l’eutrophisation, écrit l’IBS. L’absence de fauche ou de pâture et l’accumulation de litière combinée aux dépôts atmosphériques d’azote ont favorisé des espèces plus nitrophiles et plus grandes, avec pour conséquence moins de lumière au niveau du sol et la disparition des espèces typiques des marais et prairies humides.
La mise en place de clôtures autour de ces marais il y a 25 ans, dans le but de les préserver, a donc eu l’effet inverse et conduit à la perte de plusieurs milieux de valeur, concluent les auteurs. Selon eux, le plus important est maintenant de réintroduire la fauche extensive et la pâture sur ces surfaces. C’est déjà le cas sur certaines d’entre elles, précise l’IBS.
Ces écosystèmes fragiles sont le produit de siècles d’agriculture extensive après déboisement, notent encore les scientifiques. Une exploitation à bas niveau est nécessaire pour éviter la colonisation par les buissons, notamment.
Enfin, un suivi plus régulier est nécessaire; cela aurait permis d’éviter que des décennies s’écoulent avant que l’on « reconnaisse les résultats indésirables de la gestion des sites suisses », peut-on lire dans l’étude.