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Condamnations en France après un bond des actes antisémites

Plusieurs dégradations ont été commises récemment: image de Simone Veil barrée d'une croix gammée, tag "Juden" (Juifs en allemand) sur la vitrine d'un restaurant parisien, arbre en mémoire d'Ilan Halimi vandalisé (archives). KEYSTONE/AP Mairie du XIIIth sda-ats

(Keystone-ATS) Le bond des actes antisémites en 2018 en France a suscité mardi une condamnation unanime de la part du gouvernement, de responsables politiques et des organisations juives. Certains y voient la marque d’une « libération de la parole ».

Ce week-end a été marqué par plusieurs dégradations: image de Simone Veil – figure de la vie politique française et européenne, déportée à 15 ans dans le camp d’Auschwitz – barrée d’une croix gammée, tag « Juden » (Juifs en allemand) sur la vitrine d’un restaurant parisien, arbre en mémoire d’Ilan Halimi vandalisé. Jeune Juif de 23 ans, Ilan Halimi était mort après avoir été séquestré et torturé pendant plusieurs semaines en 2006 en banlieue parisienne.

« Ces actes sont répugnants », a réagi mardi le Premier ministre Edouard Philippe, qui doit décerner dans la soirée le prix Ilan Halimi en mémoire du jeune homme. « Je partage cette colère qui, je crois, est très largement partagée au sein du peuple français ».

Lundi, le ministre français de l’Intérieur Christophe Castaner avait dénoncé un « poison » en annonçant une hausse de 74% des actes antisémites en 2018. Dans le détail, 541 actes antisémites ont été recensés en 2018 contre 311 l’année précédente, a précisé le ministère.

Parmi ces 541 faits, 183 « actions antisémites » – dont un homicide – et 358 menaces ont été recensées, selon un bilan du ministère publié mardi, qui traduit une forte poussée l’an dernier après deux années consécutives de repli. Ce total reste toutefois inférieur au pic record de 808 actes recensés en 2015.

En mars 2012, de djihadiste Mohamed Merah avait tué par balles trois militaires, puis trois enfants et un enseignant juifs à Toulouse et Montauban (sud-ouest). En janvier 2015, un attentat contre le magasin Hyper Cacher à Paris avait fait 4 morts, tous juifs.

« Préjugés »

Dans un rapport sur l’année 2017 publié en mai 2018, la Commission nationale consultative des droits de l’Homme (CNCDH) en France notait que « les Juifs étaient l’une des minorités qui reste une des mieux acceptées dans l’opinion publique, malgré la persistance des préjugés antisémites traditionnels liant les Juifs à l’argent, au pouvoir et leur reprochant leur communautarisme ». « La persistance » de ces « vieux préjugés » et « les violences dont ils sont victimes requièrent toutefois une extrême vigilance », notait la Commission.

Ce bilan officiel annoncé mardi fait apparaître que les faits antimusulmans, au nombre de 100, ont eux atteint leur plus faible niveau en France depuis 2010.

Les faits racistes et xénophobes au sens strict – hors actes antisémites et antimusulmans – se sont eux de nouveau repliés en 2018 (496, -4,2%) après une décrue spectaculaire en 2017 (-14,8%), note par ailleurs le ministère.

Appel au sursaut national

Le président du Conseil représentatif des institutions juives de France (Crif) Francis Kalifat a appelé à « un sursaut national », déplorant auprès de l’AFP la « libération et la banalisation de la haine antijuive ». Joël Mergui, président du Consistoire israélite de France, a lui évoqué « un climat où la désinhibition des haines est de plus en plus patente ».

« La situation est ancienne », a noté Jean Veil, avocat et fils de Simone Veil. « Personne n’osait manifester son antisémitisme après la Guerre. Mais au fond, on sentait que la lèpre était toujours là ».

Le gouvernement français par la voix de son porte-parole Benjamin Griveaux a promis une réponse « pénale, judiciaire » forte. Il a lancé en mars 2018 un plan triennal de lutte contre l’antisémitisme et le racisme, qui prévoit notamment l’expérimentation d' »un réseau d’enquêteurs et de magistrats spécifiquement formés à la lutte contre les actes haineux ».

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