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Toujours pas de suite au Protocole de Kyoto

Pour Moritz Leuenberger, il y a trop de nuages de CO2 dans le ciel. Keystone

La conférence de l’ONU sur le climat s’est terminée à Buenos Aires sans accord sur la manière de prolonger le Protocole de Kyoto sur les gaz à effet de serre.

Moritz Leuenberger a déclaré à swissinfo que le réchauffement de la Planète ne pourra être ralenti qu’avec des mesures appropriées.

Près de 90 ministres de l’environnement se sont rendus dans la capitale argentine à l’occasion de la 10e conférence des Nations-Unies sur le climat.

Mais à l’issue de cette rencontre, Moritz Leuenberger, à la fois ministre suisse de l’environnement et de l’énergie, tire un bilan mitigé.

swissinfo: Quel bilan tirez-vous de cette rencontre en Argentine?

Moritz Leuenberger: Nous autres Suisses sommes particulièrement intéressés à cette problématique. En effet, le changement du climat touche davantage la Suisse que d’autres pays.

Nous le constatons par exemple avec la fonte des glaciers, ce qui va nous conduire à des difficultés économiques dans le secteur du tourisme.

A partir de là, une conférence mondiale sur ce thème est une bonne chose en soi. Nous avons discuté du Protocole de Kyoto, qui entrera en vigueur au mois de février. Il s’agissait d’en régler les détails. Le fait d’y être parvenu est très positif.

Mais les opinions sont partagées quant à savoir ce qui se passera après 2012, date fixée pour atteindre les objectifs du Protocole de Kyoto. Les Etats-Unis, les pays membres de l’OPEP ou encore l’Inde s’opposent à ce que l’on aborde déjà cette seconde étape. Nous voulions préparer ceci lors d’un séminaire, mais les Etats-Unis ne l’ont pas voulu.

Pour moi, un échec sur la question de la seconde étape est préférable à un compromis de façade. J’aurais naturellement souhaité un bon compromis, mais cet échec a eu l’avantage de clarifier les fronts.

swissinfo: L’Agence internationale de l’énergie et l’Office fédéral de l’environnement craignent que la Suisse ne parvienne pas à atteindre son objectif, à savoir une réduction de 8% du CO2. La Suisse doit-elle changer sa politique énergétique?

M. L.: Nous avons déjà un projet pour réduire les émissions de CO2 dues au trafic. Nous avons également mis l’idée de l’introduction d’un centime climatique en consultation. Le gouvernement et le parlement devront prendre des décisions sur ces questions.

Nous sommes clairement d’avis qu’une réduction du CO2 est nécessaire. Mais je dois avouer que même avec une réduction, il est possible que l’objectif ne soit pas atteint dans le domaine des transports.

Quoi qu’il en soit, si nous parvenons bel et bien à une réduction, ce serait déjà un grand pas et un résultat à ne pas dédaigner.

Nous ne pouvons donc pas dire que nous ne faisons absolument rien pour le moment, ce qui constituerait la pire des solutions.

swissinfo: Les mesures préconisées suffisent-elles?

M. L.: Elles suffisent en ce qui concerne l’industrie. Mais c’est plus problématique pour le trafic. Dans ce domaine, nous recherchons la meilleure solution possible. Mais quand je vois à quel point cette solution de compromis est attaquée, je sais que ce sera difficile. En tant que politicien, je fais ce que je peux pour faire passer le message.

swissinfo: Pour la Suisse, la participation des pays en voie de développement à la suite du Protocole de Kyoto, c’est-à-dire après 2012, est incontournable. Avez-vous pu faire passer cette idée à Buenos Aires?

M. L.: Nous en avons parlé. Notre conception n’est pas d’inclure tous les pays en voie de développement, mais ceux qui font partie des principaux producteurs de CO2.

Selon nos estimations, en 2015, environ la moitié des producteurs de CO2 proviendront des pays en voie de développement. C’est la raison pour laquelle nous devons les inclure dans la poursuite du Protocole de Kyoto.

swissinfo: Nestor Kirchner a reproché aux pays riches de pressurer les pays pauvres pour qu’ils remboursent leurs dettes mais en même temps de ne rien vouloir payer pour leurs propres atteintes à l’environnement. Pour le président argentin, cette «double morale» est inacceptable. Sa critique est-elle justifiée?

M. L.: Cette critique n’est pas justifiée globalement, mais quelques affirmations sont justes. La Suisse estime ainsi que les Etats-Unis ne sont pas prêts à ratifier le Protocole de Kyoto.

Si les Etats-Unis parvenaient à atteindre les objectifs du Protocole sans le ratifier, nous n’aurions alors rien à redire. Mais rien n’indique que nous allons dans cette direction. C’est pourquoi les critiques adressées aux Etats-Unis sont justifiées.

swissinfo: Jeudi, vous avez participé à une table ronde consacrée à l’utilisation des nouvelles technologies dans la lutte contre les changements climatiques. Cette discussion a-t-elle apporté quelque chose? Et qu’est-ce que la Suisse peut apporter dans ce domaine?

M. L.: Le point positif, c’est que 23 pays y ont participé. Tous ont admis que nous assistons bel et bien à un changement du climat et que le CO2 en est responsable. Or, dans notre propre pays, un tel constat reste encore contesté par certains milieux.

La Suisse peut citer en exemple sa politique des transports, notamment notre imposition plus lourde pour les poids lourds qui polluent le plus. Notre position a beaucoup intéressé les autres pays et les a en grande partie convaincus.

Interview swissinfo, Jean-Michel Berthoud
(Traduction, Olivier Pauchard)

Le Protocole de Kyoto entre en vigueur le 16 février 2005.
Les pays qui l’ont ratifié s’engagent à abaisser en moyenne de 5,2% leurs émissions de CO2 de par rapport à 1990.
L’objectif doit être atteint d’ici 2012.
La Suisse et l’Union européenne se sont fixé un objectif de 8%.

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