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Egon Schiele, entre érotisme et angoisse

Le corps féminin, déclinaison Schiele. art4net.com

Le Musée d'art moderne de Lugano frappe un grand coup avec la prestigieuse exposition des oeuvres du peintre Egon Schiele.

Egon Schiele, né en 1890 et disparu en 1918, l’un des plus grands artistes de l’histoire de la peinture moderne.

Du 16 mars au 29 juin, la saison 2003 du Musée d’art moderne de Lugano, à Villa Malpensata, ouvre ses battants par une anthologie consacrée à Egon Schiele.

Après le cri de Munch (1998), les femmes au long cou de Modigliani (1999), le pont de Kirchner (2000), la Russie de Chagall (2001), le Musée d’art moderne, avec l’érotisme et les portraits de Schiele, reste fidèle à sa démarche centrée sur les grandes rétrospectives.

«Et ce n’est pas facile», souligne Erasmo Pelli, vice-maire de Lugano et responsable du dicastère culturel de la ville, «à une époque où les contacts entre musées, notamment américains, sont de plus en plus compliqués, les primes d’assurance toujours plus chères et donc les coûts de telles expositions toujours élevés.»

Une anthologie peu commune

«L’explosion des coûts est réelle», admet Rudy Chiappiani, directeur du Musée luganais «mais notre musée est confronté à un autre problème d’envergure: le fait de ne pas posséder de collection de haut niveau et de ne pas pouvoir procéder à des échanges avec d’autres musées. Et, pour la mise sur pied de telles expositions, les échanges sont vitaux.»

L’anthologie des oeuvres d’Egon Schiele n’a pas été aisée à organiser. Le musée luganais est fier d’y être néanmoins parvenu: «Il faut être conscient du fait que les tableaux de Schiele ont été rarement exposés seuls. Ils faisaient plutôt partie d’expositions collectives», précise Rudy Chiappini.

Il faut se rappeler que Schiele est mort jeune, à 28 ans. Dès l’âge de 16 ans et jusqu’à son décès, Egon Schiele a réalisé quelque 300 oeuvres. «Il n’en reste aujourd’hui que 200 environ, les autres ont été détruites par le peintre lui-même ou se sont égarées ici et là», explique encore le directeur de Villa Malpensata.

Cheminement chronologique

L’exposition, inaugurée samedi, comprend une quarantaine de toiles et autant de dessins et autres gouaches et aquarelles, réalisés entre 1907 et 1918. Les oeuvres proviennent de prestigieuses collections privées et de grands musées.

L’anthologie est répartie sur les deux étages du musée luganais. Le premier accueille les dessins, gouaches et aquarelles réalisées de 1910 à 1918. Le second abrite les toiles peintes entre 1907 et 1918.

L’aménagement respecte un cheminement chronologique, souligné par les autoportraits, les nus érotiques, les paysages, les vues urbaines, les allégories.

Le visiteur peut ainsi se familiariser avec les principaux chapitres de l’art de Schiele: de l’influence Jugendstil à l’exemple du maître Gustav Klimt, de l’expérience des «Wiener Werkstätte» à l’ascendance expressioniste, le parcours n’oublie aucune étape.

Arrêté et emprisonné pour enlèvement

Né le 12 juin 1890 à Tulln, en Autriche, Egon Schiele reste orphelin de père à l’âge de 15 ans. Cette perte le marque profondément. A 16 ans, le jeune homme entre à l’Académie des Beaux-Arts de Vienne, dont il devient un des plus brillants élèves.

En 1907, sa rencontre avec Gustav Klimt, idole incontestée parmi les artistes viennois, le catapulte dans le milieu des peintres modernes. En 1909, il abandonne l’Académie et fonde le «Neukunstgruppe».

Dès 1911, avec sa toute jeune modèle Valérie Neuzil, 17 ans, il se lance dans les nus érotiques, parfois osés pour l’époque. Il expose pour la première fois à Vienne en 1911.

D’autres expositions suivent, en 1912, à Budapest et Munich. A son retour en Autriche, Schiele, mal vu dans sa patrie pour faire poser nus des modèles très jeunes, est accusé d’avoir enlevé une jeune fille de 14 ans.

Arrêté, il se proclame innocent mais reste 24 jours en prison. Durant son procès, l’accusation d’enlèvement tombe mais Schiele écope de trois jours d’arrêt pour avoir autorisé l’accès de son atelier et de ses nus érotiques à des mineurs.

Le tourment intérieur du peintre autrichien – mort de grippe espagnole trois jours après sa jeune femme enceinte de leur premier enfant – se révèle pleinement dans ses oeuvres: visages torturés et anguleux, corps maigres presque squelettiques, mains puissantes et noueuses, pieds démesurés, autoportraits quasi caricaturaux, Egon Schiele frappe par sa véracité crue.

Une véracité adoucie par des couleurs lumineuses, éblouissantes. Un art hors du temps puisque, comme le disait Schiele lui-même, «Il n’existe pas d’art moderne, il n’existe que l’art et il est éternel.»

swissinfo, Gemma d’Urso, Lugano

Egon Schiele, du 16 mars au 29 juin 2003 au Musée d’art moderne de Lugano, Villa Malpensata, Riva Caccia 5.

Le catalogue, en italien et allemand, édité par Skira Editore Milan, est vendu au prix de 50 francs.

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