Comment fonctionne le système des hypothèques en Suisse

Les crédits accordés en Suisse pour acquérir une maison ou un logement sont peu onéreux - avec des avantages et des inconvénients. Ce qu’il faut retenir des hypothèques au pays des banques.
Si contracter une hypothèque en Suisse induit un fardeau à supporter sur une durée indéterminée, et parfois sa vie durant, ces crédits ont été introduits dans la plupart des pays pour être remboursés un jour. L’Allemagne, la France et les États-Unis ont ainsi opté pour des hypothèques avec amortissement.
À l’inverse, il existe un modèle où seuls les intérêts sont payés. Dans ce cas, à l’échéance de l’hypothèque, une nouvelle est souscrite pour la remplacer. Ce système a longtemps été populaire, notamment en Grande-Bretagne, avant que le modèle avec amortissement ne prenne le dessus.
La Suisse suit une voie différente, avec une dette qui est souvent différée. Comme les crédits à la propriété sont une affaire florissante pour les établissements bancaires, des incitations à ne pas les rembourser entièrement ont été introduites. Les détentrices et détenteurs d’hypothèques peuvent aussi déduire de leurs impôts les intérêts payés.
Voilà comment fonctionne ce système, ses effets sur les personnes qui désirent acheter un bien et sur l’ensemble de la société.
Doit-on rembourser une hypothèque en Suisse?
La réponse est oui et non. Pour acheter un bien immobilier, il faut disposer en règle générale de 20% de fonds propres. Le reste de la somme qui est convenue pour l’achat est couverte par la banque via une hypothèque.
Celle-ci est scindée en deux. La première hypothèque – qui peut représenter jusqu’à 65% de la valeur du bien – ne doit pas obligatoirement être amortie. La seconde – qui oscille entre 65 et 80% de cette même valeur – oblige à un amortissement sur quinze ans ou jusqu’à la retraite.
La part d’une hypothèque avec obligation de rembourser est appelée «hypothèque de second rang».
Combien obtient-on d’une banque en Suisse?
Outre l’apport en fonds propres de 20% du prix d’achat, le principe de la capacité financière s’applique pour s’assurer que la personne intéressée a les moyens d’acquérir un bien sur le long terme.
Pour calculer cette capacité financière, les banques ne se basent pas sur un taux d’intérêt réel mais sur un taux théorique qui est de 5%. Lequel correspond à la moyenne historique des taux hypothécaires en Suisse.
L’idée qui prévaut ici est d’intégrer une réserve au cas où les taux d’intérêt seraient par exemple beaucoup plus élevés à échéance de l’hypothèque. Une différence avec les intérêts réels peut finalement aussi se dégager, laquelle peut contribuer à réduire ultérieurement la dette hypothécaire.
Pour le calcul de la capacité financière, il faut ajouter des frais annexes et l’entretien du bien, estimés généralement à 1% de la valeur du bien. Le résultat ne doit pas dépasser un tiers du revenu brut du ménage intéressé par un achat. Sinon la couverture de l’hypothèque n’est pas garantie.
En Suisse, l’Autorité de surveillance des marchés financiers (Finma) contrôle les banques pour s’assurer que ces règles sont bien respectées. Des hypothèques accordées trop généreusement pourraient avoir des effets dévastateurs sur l’économie suisse en cas de crise immobilière ou de crise des taux d’intérêt. Récemment, la FinmaLien externe a tiré la sonnette d’alarme car une hypothèque sur trois ne respecterait pas ces règles.
Exemple d’un calcul de capacité financière
Sachant qu’une maison individuelle moyenne en Suisse se monnaie aujourd’hui autour de 1,5 million de francs, le minimum de fonds propres (20 %) à fournir serait de 300’000 francs. L’hypothèque s’élève alors à 1,2 million avec un taux d’intérêt à 5% (60’000 francs). S’y ajoute 1% (15’000 francs) pour l’entretien et frais annexes pour un total final de 75’000 francs.
Ces frais doivent correspondre à un tiers du revenu brut d’un ménage intéressé à l’acquisition. Un couple qui est tenté d’être propriétaire devrait ainsi gagner au minimum 225’000 francs par an pour entrer dans les clous.
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Mais comme cette somme dépasse largement les revenus moyens des ménages en Suisse, même pour la classe aisée, les propriétaires doivent souvent apporter plus que 20% de fonds propres pour une hypothèque.
La part manquante provient souvent d’une avance sur héritage, des parents transmettant de leur vivant une partie de leur patrimoine financier à leurs enfants. D’autres futurs propriétaires puisent aussi dans leur prévoyance vieillesse, caisse de pension (2e pilier) et prévoyance privée (3e pilier) pour acquérir un bien immobilier, ce que la loi autorise en Suisse.
Si le prix d’achat du bien à 1,5 million est à 700’000 francs par des fonds propres, l’hypothèque s’élève à 800’000 francs. Les propriétaires doivent donc gagner 165’000 francs bruts par an pour remplir les critères.
Pourquoi les taux d’intérêt sont-ils si bas en Suisse?
Contracter des hypothèques en Suisse est très avantageux si l’on compare avec d’autres pays, et cela depuis des années. En mai dernier, une hypothèqueLien externe fixe sur dix ans était déjà disponible avec un taux d’intérêt d’environ 1,4%. Et des hypothèques sur trois ans à moins de 1%.
Aux États-Unis, où la durée d’une hypothèque est habituellement fixée sur 30 ans, et où la courbe des taux d’intérêt croît, la moyenneLien externe des taux se situe un peu en deçà de 7%. En Allemagne, on trouve des hypothèques sur dix ans à partir de 3,2% environ. Et en Grande-Bretagne, les hypothèques sur dix ans les moins onéreuses se situent légèrement en dessus de 4,4%.
La raison principale qui explique qu’en Suisse les taux hypothécaires restent bas réside dans la politique monétaire menée par la Banque nationale suisse (BNS). Le franc suisse, monnaie refuge, s’est beaucoup apprécié ces dernières décennies par rapport à d’autres monnaies fortes.
Par sa politique, la BNS freine ce phénomène pour essayer de maintenir l’économie suisse d’exportation à flot. Elle dissuade par conséquent d’investir en francs suisses en proposant des taux d’intérêt bas.
Cette situation est possible car la Suisse, comparativement à d’autres pays, affiche une inflation encore relativement faible. À la suite de la crise du Covid, celle-ci avait dépassé l’objectif annuel et les taux d’intérêt avaient grimpé. Mais c’est du passé. Pour nombre d’économistes, un retour à des taux d’intérêt négatifs, comme avant la pandémie, est probable.
Quels sont les avantages du système suisse?
En raison d’un faible coût lié au capital, la capacité financière réelle des biens immobiliers est meilleure que le calcul hypothétique des banques. Voilà qui allège le budget et contribue potentiellement à l’amortissement.
Dans un marché où la concurrence reste forte et où les prestataires sont très nombreux, la situation des personnes qui contractent ces crédits s’améliore. En Suisse, ce marché reste stable avec, en corollaire, des biens se valorisant chaque année et des propriétaires y trouvant leur compte.
Quels sont les risques du système suisse?
En Suisse, l’argent investi en masse continue de faire grimper les prix dans le secteur de l’immobilier. Ces huit dernières années, celui des immeubles et appartements a augmenté en moyenne de plus de 30%. Seulement 20% de la population suisse a encore les moyens de s’offrir un logement en propriété. Ce taux est descendu à moins de 10% dans le canton de Zurich.

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En puisant dans leur épargne pour la prévoyance vieillesse dans un contexte d’inflation des prix, beaucoup risquent de ne plus pouvoir assumer leurs charges une fois à la retraite.
Une étude publiée récemment par le site de comparaison MoneyparkLien externe avance que 29% des propriétaires ne pourront plus conserver leur bien une fois retraités et seront obligés de le vendre. Et 85% des personnes qui ont aujourd’hui entre 50 et 65 ans seront confrontées, à la retraite, à un problème «substantiel» de capacité financière de leur hypothèque.
Par ailleurs, si les prix dans l’immobilier s’effondrent, il faut s’attendre à des coûts encore plus lourds. Tenant compte de la charge exorbitante des dettes en Suisse, le risque pour les seniors de tomber dans la pauvreté est réel.
Autre risque, celui d’une crise bancaire. La Suisse possède le taux d’endettementLien externe le plus élevé par habitant au monde, et les hypothèques y sont pour beaucoup.
Pour la plupart des prévisionnistes, la hausse des prix dans l’immobilier devrait perdurer en Suisse puisque l’offre de biens demeure limitée et que la population continue de s’accroître significativement d’année en année.
À moyen terme, la Suisse devrait donc conserver la première place mondiale en termes de patrimoine immobilier par tête.
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Texte relu et vérifié par Balz Rigendinger, traduit de l’allemand par Alain Meyer/sj

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