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Disparition de Jacques Chessex

Keystone

Agé de 75 ans, le Prix Goncourt suisse est décédé subitement vendredi soir à Yverdon-les-Bains (Vaud) pendant un débat consacré à son oeuvre en marge d'une représentation théâtrale. Toute la Suisse romande lui rend hommage.

Invité de la Bibliothèque publique d’Yverdon au lendemain de la première représentation d’une pièce tirée de son œuvre, Jacques Chessex s’est soudain écroulé vers 19 heures.

«C’est un nouveau pilier de la littérature romande et française qui disparaît cette année après Maurice Chappaz», a constaté samedi le conseiller fédéral Pascal Couchepin.

Hommage retentissant

Au lendemain du décès subit de Jacques Chessex, le ministre de la culture a salué «un remarquable explorateur des parties obscures de l’être humain confronté à l’histoire ou à des passions extraordinaires».

Le gouvernement vaudois et le monde culturel romand ont également rendu hommage à l’écrivain vaudois.

«Un géant disparaît», «L’ogre de Ropraz est parti chez les anges», «Mort d’un ogre des lettres», «Ecrivain hors normes, personnage forcené», «Jacques Chessex a rendu dernier souffle au milieu des livres», la presse romande de samedi se dispute les hommages les plus ardents.

La Liberté de Fribourg résume bien l’état d’esprit de ses admirateurs: «Quel plus bel endroit pour vivre ses derniers instants qu’entouré de livres, ceux que Jacques Chessex chérissait tellement, lui qui a pu vivre de sa passion et devenir le formidable écrivain qu’il a été?»

Ecrivain fertile

L’écrivain vaudois, dont le premier livre est paru en 1954, laisse à la postérité plusieurs dizaines d’ouvrages. Il était le seul Suisse à avoir obtenu le prix Goncourt en 1973 pour L’Ogre.

Traduit en plusieurs langues et porté à l’écran par Simon Edelstein en 1986, ce livre a suscité la controverse, comme La confession du pasteur Burg dix ans plus tôt. En 1992, Jean-Jacques Lagrange avait tourné cet ouvrage pour la télévision. Cette oeuvre et son adaptation scénique étaient justement le thème de la conférence de vendredi.

Empreinte d’accents autobiographiques, l’oeuvre romanesque de Jacques Chessex présente des personnages sensuels, rongés de culpabilité et fascinés par la mort.

En février dernier, il a publié Un Juif pour l’exemple (32’000 exemplaires). Retraçant l’assassinat, par des militants nazis, du commerçant juif Arthur Bloch à Payerne en 1942, ce livre a suscité la polémique l’hiver dernier dans la cité vaudoise.

L’être est unique

Il avait récemment expliqué, en parlant de la mort: «Je ne crois pas à la réincarnation, l’être est unique, son destin est unique. Après la mort nous serons réunis dans un lieu indicible où les âmes se parlent et se voient dans la lumière. La mort nous délivre, nous donne une autre vie sans le tourment du péché originel.»

Jacques Chessex avait indiqué que son prochain roman était inspiré de l’incroyable destin du crâne du marquis de Sade. L’ouvrage, s’il est achevé, devrait sortir en janvier.

Membre du jury du prix Médicis, l’écrivain avait enseigné le français au Gymnase de la Cité, à Lausanne, marquant des générations d’étudiants. Il a reçu de nombreuses distinctions, dont le prix Schiller, le prix Alpes-Jura, le Grand Prix du rayonnement français de l’Académie française, le Ruban de la Francophonie et, en 1999, le Grand Prix du langage français.

Projets en cours

Egalement peintre, il était attendu ce samedi dans une galerie de Soleure pour le vernissage d’une exposition de 60 de ses oeuvres.

Par ailleurs, le réalisateur Francis Reusser a annoncé samedi qu’il a appris il y a deux jours qu’il allait pouvoir porter à l’écran La Trinité, roman de Jacques Chessex paru en 1992. Un projet que le cinéaste vaudois mûrit depuis cinq ans. «Je viens de rentrer de Paris et j’allais envoyer un petit mot à Jacques pour lui dire que ce projet allait se faire», a-t-il indiqué, précisant que le film serait tourné l’année prochaine.

L’oeuvre de Jacques Chessex n’a que peu été mise en images. Mais ce dernier avait également révélé récemment l’adaptation cinématogrphique de Un Juif pour l’exemple par Lionel Baier. «Ce sera un projet de longue haleine, a indiqué samedi le cinéaste vaudois. Il va se réaliser mais je ne sais pas encore comment.»

Le corps de l’écrivain repose en la chapelle St-Roch à Lausanne depuis samedi matin. La date des obsèques sera annoncée dimanche.

swissinfo.ch et les agences

Né à Payerne en 1934, il suit sa scolarité à Fribourg, puis des études de lettres à Lausanne.

Lauréat du Prix Goncourt en 1973 pour L’Ogre, il domine la littérature romande.

Auteur prolifique, son œuvre compte de nombreux romans, brillants, avec des thèmes qui reviennent inlassablement: Dieu et le sexe.

Parmi ses dernières parutions: Et l’Eternel sentit une odeur agréable, Le Vampire de Ropraz, Pardon mère, Le simple préserve l’énigme

Il est membre du jury du Prix Médicis depuis 1996.

Sa carrière d’écrivain est honorée par plusieurs récompenses, dont le Grand Prix du rayonnement français, décerné par l’Académie française.

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