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Un ex-banquier suisse risque neuf ans de prison en Espagne

Gao Ping
L'ancien banquier suisse et le financier belge comparaissent au tribunal aux côtés du trafiquant chinois Gao Ping. Keystone / Angel Diaz

Un ancien gérant de Lombard Odier & Cie est accusé d'avoir participé à l'organisation criminelle du Chinois Gao Ping et d'en avoir blanchi les fonds aux côtés d'un autre ancien banquier et d'un financier belge, réfugié depuis des années en Suisse. Le parquet espagnol réclame à chacun une amende de 50 millions d'euros. Le procès vient de commencer.

«Operacion emperador»: voilà le nom de code donné par la police espagnole à l’immense coup porté en 2012 à la mafia chinoise dans le pays. Le parquet anticorruption soupçonne l’entrepreneur Gao Ping d’être à la tête d’un réseau criminel international dédié à la fraude fiscale et au blanchiment. Gao Ping a été arrêté en avril 2013 et mis en liberté surveillée en juillet 2015 après avoir payé une caution de 400’000 euros.

Selon l’acte d’accusation émis par le procureur Jose Luis Calama en 2020, des biens étaient importés de Chine en grandes quantités (mille containers par an) et distribués en Espagne via 39 sociétés peu transparentes, qui falsifiaient la quantité et la nature des produits commercialisés. «Ce matériel était ensuite centralisé dans des entrepôts industriels tels que ceux de la zone industrielle Cobo Calleja à Fuenlabrada (Madrid) et de la ville de Seseña à Tolède, et de là, il était distribué à leurs clients dans toute l’Espagne. Cette première parcelle de l’organisation transférait entre 4 et 5 millions d’euros par mois sur des comptes bancaires étrangers», écrit le procureur.

La défense de Gao Ping a fait valoirLien externe que les accusations portées contre lui «n’ont rien à voir avec l’enchevêtrement de crimes pour lesquels il a fait l’objet d’une enquête». De même, l’avocat du principal accusé a indiqué qu’il n’a pas été précisé quelles entreprises font partie de ce réseau présumé «ni qui sont les prétendus hommes de paille». «Il n’y a pas une seule indication» que Gao Ping «a une quelconque relation avec une société autre que celles dans lesquelles il est légalement enregistré», selon son avocat, cité par le quotidien espanol La Razon.

Enveloppes en cash

D’après le procureur Calama, les fonds étaient placés à l’étranger via un mécanisme de compensation, réalisé par des intermédiaires qui empochaient au passage entre 2 et 3% de commissions. Un gestionnaire belge, G.M.*, aurait été à la tête de ce système, comme Gotham City l’expliquaitLien externe en septembre 2020. Réfugié dans une station des Préalpes vaudoises, le retraité se consacre désormais à sa passion pour les chevaux.

Pour réaliser les transferts, G.M. pouvait compter sur un interlocuteur privilégié chez HSBC à Genève, N.R.*, contre qui le Ministère public espagnol avait requis de la prison en 2014Lien externe. Il est lui aussi sur le banc des accusés.

La troisième personne dont le rôle est pointé du doigt par le procureur espagnol est un ancien gérant de fortune de Lombard Odier, qui ordonnait à l’époque «les transferts bancaires internationaux des comptes du client vers le compte bancaire fourni par J.R*. Il est également un fournisseur de clients pour l’’organisation», relève l’acte d’accusation de 2020.

Le document cite un rendez-vous entre les deux hommes, le matin du 19 juin 2012 à la cafétéria Greener, à Madrid, lors duquel deux enveloppes ont été remises au Suisse. Elles contenaient entre 7000 et 8000 euros de commissions. 

Le procès en cours compte 102 accusés, dont Gao Ping et les trois intermédiaires basés en Suisse. Le financier belge risque 12 ans de prison et une amende de 50 millions d’euros. Le parquet réclame une peine de 9 ans de prison pour les deux ex-banquiers, et 50 millions d’euros d’amende chacun.

*Noms connus de la rédaction

Fondée par les journalistes d’investigation Marie Maurisse et François Pilet, Gotham City est une newsletter de veille judiciaire spécialisée dans la criminalité économique.

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