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Eugénie Rebetez, si bestiale, si humaine

Sacré personnage que cette 'Gina' ! Augustin Rebetez

Révélée l’année dernière grâce à son solo «Gina» qu’elle reprend cette saison, la jeune comédienne et danseuse jurassienne éblouit toujours. Drôle, sensible, très juste dans son jeu, elle dévoile le plein et le vide des existences simples. Portrait.

Pour se hisser au sommet de la gloire, Gina a construit sa pyramide à elle: une table sur laquelle elle a posé un petit tabouret qu’elle va ascensionner d’un pas prudent, elle la femme bien en chair, grosse de mille personnages. Mais avant d’atteindre le sommet, elle aura cherché sa voie toute la soirée.

Car Gina hésite. Elle hésite entre la danseuse raffinée et la godiche, entre le saut léger et le pas maladroit, entre la trompettiste inspirée et la poule qui caquète, entre la vache qui beugle et l’amante qui gémit, entre la pop star et l’idiote du village, entre la Norma de Bellini et la majorette de fanfare. Gina est tout ce monde à la fois. Bestiale et humaine. Tellement humaine dans ses rêves impossibles, tellement bestiale dans ses cris de survie. Et pourtant elle demeure unique.

«My name is Gina. I’m from Jura. I would like to be a diva. May be one day I’ll be lucky.» Non, elle ne ment pas. Elle vient bien du Jura, cette Gina derrière laquelle se cache Eugénie Rebetez, 26 ans, comédienne et danseuse de son état, fille de Pascal Rebetez, auteur de théâtre et journaliste à la Radio Télévision Suisse.

 

Liberté, pureté et poésie du Jura

Même s’il résonne comme un diminutif d’Eugénie, «Gina» n’est pas vraiment un autoportrait. «Je joue sur la réalité et la fiction», préfère dire Mademoiselle Rebetez qui dans son solo endiablé, chante, danse et nous livre sa comédie avec un humour sans faille. Avec aussi le talent qu’il faut pour convoquer sans nostalgie son Jura natal, «sa liberté, sa pureté et sa poésie», comme elle dit, ses villages, ses paysans et ses fermes. Pour raconter le plein et le vide des vies simples.  Pour chatouiller la langue de ce pays  et en montrer la grimace.

C’est sans doute la raison pour laquelle on a dit que Gina, rondelette, vêtue d’une robe noire et  armée d’un accent jurassien, évoque une figure mythique de ce Jura aimé: Zouc.

Zouc, la grande humoriste et comédienne suisse, aujourd’hui écartée des scènes en raison d’une vilaine maladie, Eugénie ne l’a pourtant jamais connue. Ce n’est pas sa génération et encore moins sa source d’inspiration. «C’est juste que le public a besoin de références passées, de repères auxquels s’accrocher», confie Eugénie Rebetez qui sur ce chapitre en connaît un bout. Car sa «Gina», elle aussi s’accroche. Elle s’accroche à son imaginaire foisonnant, peuplé de dizaines de vedettes, auxquelles elle ne cesse de faire appel dans un élan passionnel, entre rires et larmes.

 

«Je me sens nulle et moche»

«Je me sens nulle, la plus nulle, la plus moche, il faut que je m’accroche à la vie qui va si vite», chante sur un air de jazz la petite jurassienne qui se rêve, l’espace d’une scène, en Zizi Jeanmaire et autres Liza Minnelli.

Les rêves épuisent parce qu’ils ouvrent des espaces illimités. S’ensuit parfois un abattement. Gina balance entre euphorie et torpeur. Eugénie avoue: «Je m’intéresse à tout ce qui se passe à l’intérieur d’un être humain, à toutes les couches qui constituent une personnalité. Au début, mon métier je l’ai pratiqué avec passion. Au fil des jours, j’ai appris à m’apaiser, à creuser, à chercher au fond de moi pour trouver les bonnes réponses sur scène».

La méthode a payé. «Gina», première création de l’artiste jurassienne, connaît un vif succès. C’est rare pour un début de carrière. Monté la saison dernière à Zurich, le spectacle a tourné en 2010 dans toute la Suisse. Et il tourne encore, avec une reprise à Genève jusqu’au 15 mai, avant un retour en Suisse alémanique et une virée à l’étranger qui prévoit des haltes à Lyon, au Luxembourg et à Nice, entre autres.

«One day I’ll be lucky». Qui parle, Gina ou Eugénie? Plutôt Gina. Car à en croire Eugénie, avoir du succès ne signifie pas forcément être chanceux. «C’est quoi le succès? se demande-t-elle. C’est tellement fragile. Finalement cela repose sur le goût du public, qui peut se montrer versatile». Propos modestes.

Genève, Jura.  Née à Genève en 1984, elle grandit dans le Jura suisse.

Belgique, Pays-Bas. A 15 ans, elle quitte son pays pour faire des études. Après une formation en danse en Belgique, elle entre à ArtEz  Arnhem, Haute école d’Arts (Hollande) et y obtient, en 2005, son diplôme en danse et en chorégraphie.

 

Zambrano. Installée alors à Bruxelles, elle travaille notamment avec David Zambrano.

 

Gina. En 2008, elle rentre en Suisse et commence son travail de chorégraphe. Elle crée sa première pièce «Gina» en 2010.

 

Zurich. Aujourd’hui elle vit à Zurich.

«Gina», de et par Eugénie Rebetez:

 

En Suisse: ADC, Genève, jusqu’au 15 mai, puis Coire (19 mai), Moutier (21 mai), Zurich (27 et 28 mai, 1er juin).

 

A l’étranger: Lyon, Maison de la danse (5,6, 7 octobre), Grand Théâtre du Luxembourg (12 octobre), Théâtre national de Nice  (du 9 au 14 décembre).

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