L’économie suisse pourrait profiter d’un franc plus faible en 2018

(Keystone-ATS) Le franc pourrait encore légèrement s’affaiblir par rapport à l’euro l’an prochain, grâce notamment à la bonne dynamique européenne, estiment plusieurs analystes. Les entreprises suisses devraient en profiter pour relancer leurs plans d’investissements.
« Nous tablons sur un taux de 1,18 à 1,19 franc pour un euro d’ici à la fin de l’année prochaine », indique Valentin Bissat, stratégiste senior de l’établissement genevois Mirabaud Asset Management. Actuellement, la monnaie unique européenne s’échange à environ 1,17 franc, ayant gagné quelque 10 centimes depuis l’été (+9%).
« La sous-évaluation de l’euro a largement diminué. Il n’est encore que d’environ 5% trop bon marché », relève Fernando Martins da Silva, directeur de la politique de placement de la Banque cantonale vaudoise (BCV). Pour l’expert, la fourchette entre 1,20 et 1,25 franc représente le juste prix de la monnaie unique, atteignable l’an prochain si la bonne conjoncture mondiale se maintient.
Cet objectif est possible, confirme pour sa part Gianluca Tarolli, économiste de marché chez Bordier & Cie. Ce dernier rappelle toutefois les récents propos du président de la Banque nationale suisse (BNS) Thomas Jordan, qui estime que le franc reste surévalué.
Dynamique européenne
Ce relâchement sur la devise helvétique, qui joue un peu moins son rôle de valeur-refuge, est notamment lié à la situation favorable de l’euro, tiré par la bonne dynamique européenne, relève M. Bissat. Un constat partagé par son confrère de chez Bordier.
« La croissance en zone euro est bien repartie et le risque politique s’est considérablement réduit », relève-t-il. « La France notamment s’engage sur un chemin de réformes crédibles et les agences de notation ont relevé la note de la dette du Portugal récemment. Tous ces éléments devraient limiter l’afflux sur le franc, d’autant que la tendance devrait se poursuivre », estime l’expert.
Le seul écueil possible en Europe reste les élections italiennes de mars prochain, juge-t-il. « Un facteur de risque reste une éventuelle déception sur la reprise mondiale, largement attendue », considère pour sa part Valentin Bissat.
Politique monétaire scrutée
L’évolution de l’euro dépendra aussi des décisions de politique monétaire de la Banque centrale européenne (BCE), qui est encore loin de son objectif d’inflation, ajoute Gianluca Tarolli. Sa politique devrait rester accommodante en tout cas jusqu’en septembre prochain. Seulement à partir de 2019, elle pourrait procéder à une hausse de taux.
« La BNS devra aussi faire attention à la manière dont elle communiquera au cas où elle envisage de resserrer sa politique monétaire et d’augmenter ses taux d’intérêt », met en garde M. Bissat. Ce cas de figure ne devrait toutefois pas survenir l’année prochaine, car l’institution devrait normalement attendre que la BCE enclenche sa normalisation.
Par la suite, l’expert de Mirabaud Asset Management table sur une réduction des taux négatifs en Suisse à partir du premier trimestre 2019. La BNS devrait ensuite diminuer de manière progressive et limitée son bilan, une fois de retour à 0%.
Le franc ne va donc pas s’effondrer, précise M. Tarolli. Sa dépréciation sera ralentie par l’action de l’institut d’émission.
Relance des investissements
En Suisse, une croissance des bénéfices supérieure à 15% est attendue l’an prochain pour l’ensemble des sociétés cotées au Swiss Market Index (SMI), indique Valentin Bissat. Les entreprises devraient ainsi accroître leurs investissements en biens d’équipement, mais pas dans l’immobilier. Elles vont vraisemblablement aussi embaucher.
Grâce à l’affaiblissement du franc, certaines sociétés vont également en profiter pour augmenter leurs volumes en diminuant leurs prix, note Loïc Bhend, analyste chez Bordier & Cie. Elles vont aussi restaurer leurs marges, écornées suite au choc du franc fort.
Les secteurs exportateurs comme le tourisme, l’industrie des machines et de l’électronique, mais aussi les services financiers – qui ont des coûts fixes en Suisse – bénéficieront le plus de cette meilleure situation de change. Les entreprises suisses seront par ailleurs portées par la forte croissance allemande.
Un autre facteur positif est la stabilisation des prix, note encore Fernando Martins da Silva, qui attend une bonne année 2018. La baisse des prix, qui durait depuis cinq ans, est maintenant terminée, ce qui profite aux entreprises. « L’inflation reste faible, mais est quand même présente », résume-t-il.