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La Suisse vend bien son vaccin contre la variole

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La crainte du bioterrorisme dope les affaires de Berna Biotech. Plusieurs Etats lui ont passé d'énormes commandes de vaccin.

A l’époque où il s’appelait encore Institut suisse pour les sérums et les vaccins, le groupe bernois Berna Biotech a été l’un des principaux fournisseurs du vaccin qui a permis de vaincre la variole.

«L’éradication de cette maladie a été l’un des plus grands triomphes de l’Organisation mondiale de la santé (OMS)», rappelle son porte-parole Iain Simpson. Officiellement, la maladie a disparu depuis 1977.

Officiellement toujours, seuls deux laboratoires au monde, l’un en Russie, l’autre aux Etats-Unis, travaillent encore sur le virus de la variole. Mais la communauté scientifique craint que d’autres pays, comme l’Irak et la Corée du Nord, ne détiennent encore des stocks du virus.

Se préparer au pire

«Réintroduire cette maladie serait assurément un crime international, poursuit le porte-parole de l’OMS. Dans le contexte actuel, il est normal que les gouvernements se préparent à toute éventualité, mais nous pensons que les risques sont moins grands qu’on ne le dit parfois.».

Depuis le début de la crise de l’anthrax, on brandit régulièrement le spectre du retour de la variole. La maladie s’attrape par inhalation du virus, qui tue en moyenne 15 à 20% des personnes infectées. Pour être efficace, la vaccination doit intervenir au plus tard dans les trois à quatre jours suivant l’exposition au virus.

Si la Suisse dispose de doses de vaccin en suffisance, ce n’est pas forcément le cas d’autres pays. Et depuis quelques jours, les commandes affluent au siège de Berna Biotech à Berne.

Le groupe est en effet l’un des rares fournisseurs mondiaux et dispose encore d’un important stock, conservé dans des conditions et à une température qui garantissent son efficacité.

«Nous avons des commandes fixes pour 150 millions de francs, confirme Patrik Richard, secrétaire général de Berna Biotech. Et nous sommes en négociations pour 50 à 70 millions supplémentaires.»

L’Italie, l’Allemagne, la France

Qui sont ces gros clients? «Des gouvernements occidentaux, mais nous avons décidé de ne pas en dire plus. Comme vous pouvez l’imaginer, ce genre de transaction pose de nombreux problèmes de sécurité. S’ils veulent l’annoncer eux-mêmes, ils sont libres de le faire», se contente de répondre Patrik Richard.

Certains pays ont en effet choisi de rendre public ces achats de vaccin. La semaine dernière, l’Italie disait s’être munie de cinq millions de doses et lundi, l’Allemagne et la France annoncent respectivement l’achat de six et trois millions de doses.

Côté français, le ministre délégué à la Santé, Bernard Kouchner, précise qu’aucune vaccination antivariolique ne va être opérée pour l’instant. Selon lui, les menace d’attaque à la variole «ne se sont pas précisées une seconde».

Quant aux autres clients de Berna Biotech, ils ont choisi de rester discrets. On ne saura pas davantage combien de doses représentent ces 150 à 220 millions de francs. Là aussi, Patrik Richard invoque la sécurité pour refuser de livrer cette information.

Une année de chiffres d’affaires

Quoi qu’il en soit, cette crainte d’un attentat au virus de la variole va rapporter au groupe bernois l’équivalent d’une année de chiffres d’affaires en quelques semaines. Sur l’ensemble de l’année dernière en effet, Berna Biotech – qui emploie plus de 600 personnes – a réalisé des ventes pour quelque 200 millions de francs.

Une aubaine pour le groupe, qui vient de se séparer de sa division OTC (médicaments vendus sans ordonnance) et de s’allier avec le Bâlois Bachem pour développer de nouveaux vaccins contre le mélanome, la malaria, Alzheimer ou l’hépatite C.

«Nous sommes en pleine phase de consolidation et de recentrage sur notre métier de base, confirme Patrik Richard. Le produit de ces ventes inattendues va donc nous permettre d’amortir certains coûts de restructuration, de poursuivre dans cette voie et de réaliser des acquisitions futures.»

Marc-André Miserez

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