Le modèle suisse fait des émules en France
(Keystone-ATS) Le système d’apprentissage suisse inspire les industriels français. Ils y voient un moyen de lutter contre le chômage des jeunes et de répondre aux besoins des entreprises. Son application fait face toutefois à des blocages politiques.
« Le système de formation en Suisse est unanimement reconnu pour son efficacité « , a constaté la Fabrique de l’industrie dans une récente note. Ce centre de réflexion français, présidé par l’ancien PDG d’EADS, Louis Gallois, a étudié de près la formation professionnelle suisse. Il lui attribue plusieurs qualités.
Parmi elles, celle de réduire drastiquement le taux de chômage des jeunes, un des fléaux de l’économie française. « Il est l’un des plus faibles au monde « , rappelle ce laboratoire d’idées (think tank) consacré à l’industrie. En France, près d’un quart des chômeurs a moins de 25 ans.
Des propositions du Medef
« En France tout le monde parle de l’apprentissage et tout le monde dit qu’il faut le relancer », a expliqué à l’ats Florence Poivey. Cette Lausannoise est en charge au sein de l’organisation patronale du Medef de l’éducation, de la formation et de l’insertion. Un poste clef pour relancer l’apprentissage.
« Nous avons fait un certain nombre de propositions qui sont la retranscription acceptable d’une culture à la suisse, à l’allemande et même aujourd’hui à l’anglaise », affirme-t-elle. Des idées venues des pays voisins qui ont toutefois du mal à convaincre.
« Le système suisse interpelle en France, mais il n’est pas suivi de faits », explique la responsable du Medef. Le président François Hollande s’est intéressé de très près à la formation professionnelle helvétique lors de sa visite de l’année dernière. Il n’y a pas eu de suite pour l’instant.
Aux yeux de la Fabrique de l’industrie, le système helvétique constitue pourtant « une réponse aux besoins en compétences des entreprises ». « Un système piloté par le marché », avec « des entreprises qui fixent le nombre de places ouvertes en fonction de leurs besoins », explique l’institut.
Une voie d’insertion
« Le problème en France est que l’apprentissage est considéré comme une voie d’insertion « pour les exclus de la vie professionnelle », ajoute Mme Poivey. « Très rares sont ceux qui ont à l’esprit que l’apprentissage est une voie d’excellence », remarque-t-elle.
« Il s’agit pourtant d’une voie noble, qui fait grandir la dignité de chacune et de chacun. Mais ce n’est pas du tout dans la culture française », constate cette cheffe d’entreprise franco-suisse.
En France, contrairement à la Suisse, il est pratiquement inconcevable qu’un jeune parvienne à devenir ingénieur sans avoir son bac en poche. Le cursus classique passe par des écoles d’ingénieurs qui ont certes une bonne réputation.
Mais comme le rappelle la Fabrique de l’industrie, « près des deux tiers des jeunes Suisses choisissent l’apprentissage à l’issue de la scolarité obligatoire ».
Une opération au Tour de France
Le président du Medef, Pierre Gattaz, « est pourtant convaincu » par ce genre de formation professionnelle, explique Mme Poivey. « Il s’engage d’ailleurs autour de l’apprentissage ».
Pendant le Tour de France, le Medef a lancé avec une grande répercussion médiatique une opération pour promouvoir la promotion de cette formation à chaque étape pour mieux répondre aux besoins des entreprises. Pour que l’apprentissage décolle véritablement, il faudrait que les politiques accordent plus d’autonomie aux entreprises.
« La clef, c’est de faire confiance à l’entreprise. C’est ce qui manque fondamentalement en France », assure Mme Poivey. « Il n’est pas nécessaire d’être en perfusion permanente avec les subventions de l’Etat », plaide-t-elle.
« Laissez-nous, les entrepreneurs, être au cœur des contenus, des modes de diffusion de cette pédagogie, de la décision des cartes de formation », revendique la responsable du Medef.
Une voie « administrée »
En clair, elle demande aux politiques de moins intervenir dans la formation. Un message qui peut surprendre du côté suisse de la frontière. La Fabrique de l’industrie relève d’ailleurs l’avantage de la formation suisse.
« Une des clés de la réussite du système suisse tient à la large participation du monde économique dans son pilotage », reconnaît-elle. « L’apprentissage ne décollera jamais tant que l’entreprise ne sera pas mise au cœur du système », prévient Mme Poivey. Selon elle, cette « voie est totalement administrée » actuellement.
Dans sa note, la Fabrique de l’industrie s’interroge toutefois sur l’avenir du système helvétique. Elle constate « une tendance à l’universitarisation des formations. Le think tank se demande également si l’arrivée des multinationales ne constitue pas aussi une menace.
« La place grandissante des groupes multinationaux ne s’identifiant pas à la tradition suisse en matière de formation constitue une menace pour le système dual », observe-t-il.