Le numéro spécial de Charlie Hebdo s’écoule sans hystérie
(Keystone-ATS) Le numéro spécial anniversaire des attentats de Charlie Hebdo s’écoule bien en Suisse romande, même si le phénomène ne revêt pas la même ampleur qu’en janvier 2015. En France aussi, sa sortie n’a pas entraîné de ruée dans les kiosques comme il y a un an.
Les 20’000 exemplaires du journal satirique français commandés devraient pouvoir satisfaire la demande en Suisse romande. « Cette fois, nous avons pu anticiper. Il ne devrait pas y avoir de rupture de stock comme l’année passée », a précisé mercredi à l’ats Raphaëlle Casta.
Directrice des relations éditeurs auprès de Naville presse, elle s’est rendue tôt mercredi matin dans un kiosque romand. « L’ambiance était assez calme, mais les premiers numéros partaient déjà », souligne-t-elle.
Plus de retard
Depuis les attaques du 7 janvier 2015, Naville a augmenté ses commandes du journal. Elles sont passées de 750 exemplaires avant les attentats à 2500. L’événement, qui a coûté la vie à une partie de la rédaction de l’hebdomadaire, a donc eu un effet sur les ventes.
Charlie Hebdo est désormais disponible le mercredi dans les kiosques romands, soit le même jour que sa parution en France. Auparavant, il n’était accessible que le jeudi. « Cela a aussi contribué à l’augmentation des ventes », indique Raphaëlle Casta.
Quant au nombre d’exemplaires spécial anniversaire déjà écoulés en Suisse romande, il est encore trop tôt pour avancer un chiffre. Le numéro spécial restera sur les étals un mois. « Mais nous avons bon espoir qu’il s’épuise rapidement », conclut Raphaëlle Casta.
Au compte-gouttes
En France, la sortie du numéro, tiré à un million d’exemplaires, n’a pas provoqué la ruée et les queues devant les points de vente qu’avait connu le « numéro des survivants » publié après l’attentat. Au kiosque du boulevard Saint-Germain entre les cafés de Flore et des Deux Magots, hauts lieux de la vie chic et intellectuelle de Paris, les journaux partaient mercredi matin au compte-gouttes.
Actuellement, l’hebdomadaire se vend à environ 100’000 exemplaires en kiosque à travers le monde, auxquels s’ajoutent 183’000 abonnements. Avant l’attentat, Charlie Hebdo, en grandes difficultés financières, n’écoulait qu’environ 30’000 numéros par semaine.
« Combat marrant »
Dans un éditorial rageur en pages intérieures, le directeur du titre Riss, l’un des survivants de l’attentat, rappelle que le journal en a toujours eu « rien à foutre de plaire au plus grand nombre ». Et beaucoup souhaitaient sa disparition bien avant l’attentat.
Protégé par cinq gardes du corps, Riss a raconté comment les rescapés ont réussi à faire renaître l’hebdomadaire que les djihadistes croyaient avoir tué. « Un journal de combat, mais un combat marrant, déconnant! », notamment sur la laïcité, a-t-il confié.
« Charlie Hebdo ne lâche rien », constate le quotidien Le Parisien. « Résolument, qu’on les aime ou pas, ils sont Charlie! ». » Contre les dévots, les fanatiques, les agenouillés, les conformistes et les dogmatiques, Charlie vivra », se félicite le directeur de Libération, Laurent Joffrin, dont le journal a hébergé l’équipe de l’hebdomadaire après l’attentat.
Vives critiques
Mais cet athéisme provocateur n’est pas du goût de tout le monde. Le journal du Vatican, l’Osservatore Romano, a déploré que « derrière le drapeau trompeur d’une laïcité sans compromis », Charlie Hebdo omette de rappeler que de nombreux dirigeants religieux ont condamné la violence au nom de la religion.
Le président du Conseil français du culte musulman, Anouar Kbibech, s’est dit « blessé » par cette caricature. Selon lui, cette dernière « vise l’ensemble des croyants des différentes religions ».
A l’instar du quotidien conservateur Le Figaro, de nombreux médias se demandent également si la France a « tiré les leçons » de l’attentat du 7 janvier, alors que le terrorisme djihadiste a encore tué 130 personnes le 13 novembre à Paris.