Les Suisses veulent tourner le dos à l’atome, mais sans se presser
Le rejet de l’initiative des Verts sur la sortie du nucléaire n’est pas un vote de soutien à l’atome, analyse la presse suisse de ce lundi. La majorité du peuple a préféré faire confiance à ses autorités et à un tournant énergétique planifié et ordonné.
«Les partisans d’une sortie pragmatique de l’atome ont gagné», estime le Tages-Anzeiger de Zurich, au lendemain du rejet dans les urnes (par 54% des voix) d’une initiative des Verts qui demandait d’interdire la construction de nouvelles centrales nucléaires et de limiter la durée de vie des installations existantes à 45 ans.
Avec la stratégie énergétique adoptée cet automne par le Parlement, la Suisse dispose en effet d’un plan au-delà de cette votation populaire pour un avenir sans centrales nucléaires d’ici 2050, souligne le quotidien zurichois. «Cela laisse ainsi plus de temps pour développer les énergies renouvelables et assurer l’approvisionnement en électricité dans un système décentralisé. Cette approche crée par ailleurs une sécurité juridique, car la mise hors service des centrales pourra être réglée progressivement de concert avec les exploitants – et empêchera ainsi les demandes d’indemnisation à hauteur de plusieurs milliards de francs».
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Résultats de la votation du 27.11.2016
L’autre grand quotidien zurichois, la Neue Zürcher Zeitung (NZZ), insiste pour sa part sur le vote de confiance qui est sorti des urnes ce dimanche. «De toute évidence, les votants continuent de faire confiance à la technologie nucléaire et à ses exploitants, quand bien même les centrales ont atteint un certain âge. Ils font également confiance à l’autorité de surveillance, estimant que celle-ci s’en tient fermement à sa doctrine de sécurité, malgré la pression économique qui pèse sur les exploitants. Le peuple fait également confiance au Conseil fédéral et au Parlement, qui a promis un retrait ordonné du nucléaire dans le cadre de la stratégie énergétique 2050».
La victoire de Doris Leuthard
Le Corriere del Ticino rappelle que les Suisses ont confirmé dimanche pour la cinquième fois leur soutien aux centrales atomiques dans le cadre d’une votation populaire. «L’atome est une source d’énergie à laquelle ils continuent de faire confiance et qu’ils considèrent pour l’heure comme indispensable, en dépit de Fukushima et de l’âge avancé de certaines centrales».
Reste que l’état d’esprit dans lequel s’est déroulé cette votation est bien différent des précédents scrutins qui ont eu trait à l’atome, estime la Südostschweiz. «Il est désormais largement admis, y compris dans le camp bourgeois [les partis de la droite suisse], que plus aucune centrale ne sera construite dans le pays».
Une majorité du peuple est favorable à une sortie du nucléaire, «mais pas dans le rythme que voulait imposer l’initiative et avec les incertitudes qui en découlaient», estime pour sa part l’Aargauer Zeitung. Ainsi, on peut très bien être contre l’énergie nucléaire et pourtant rejeter une sortie forcée de l’atome, poursuit la Südostschweiz. «Ce n’est pas une contradiction en matière de politique énergétique, mais bien la ligne officielle».
Une ligne officielle incarnée par Doris Leuthard, la ministre en charge de l’énergie, qui sort renforcée de ce combat, estiment par ailleurs dans leur grande majorité les éditorialistes de la presse helvétique de ce lundi. «Avec sa Stratégie énergétique 2050, acceptée par les Chambres, elle peut avancer dans son retrait organisé de la participation de la Suisse au concert des pays qui se chauffent au nucléaire», souligne ainsi Le Temps.
«Le ‘non’ mesuré à l’initiative des Verts sur la sortie du nucléaire est un ‘oui’ à la stratégie énergétique de la Confédération» Blick
Même son de cloche dans le Blick: «Le ‘non’ mesuré à l’initiative des Verts sur la sortie du nucléaire est un ‘oui’ à la stratégie énergétique de la Confédération», écrit le quotidien de boulevard alémanique, insistant lui aussi sur la victoire personnelle de Doris Leuthard en ce dimanche de votation.
L’UDC pointée du doigt
En Suisse romande, région qui a voté à contre-courant du reste du pays en acceptant l’initiative des Verts, les éditorialistes se montrent plus critiques que leurs confrères germanophones. «La peur de ‘dépendre des importations’ (comme si l’uranium provenait d’Engadine ou du Pays d’Enhaut!), les délais imposés par l’initiative et les risques pour l’emploi ont pesé lourd», estime ainsi la Tribune de Genève, qui s’interroge: «Après le non d’hier, sommes-nous condamnés à des décennies de rafistolage atomique, en priant le ciel que nos vieilles casseroles tiennent bon et nous évitent un second Fukushima?»
«Ce report aux calendes grecques d’un problème majeur pour la Suisse est des plus inquiétants», dénonce quant à lui Le Matin. Pour le quotidien édité à Lausanne, cela révèle même d’«une forme d’irresponsabilité des hommes et des femmes politiques d’aujourd’hui sur cette question, qui cèdent à des profits à court terme et sectoriels».
Quant au Courrier, il avertit que la filière du nucléaire, pour dépassée qu’elle soit, ne se laissera pas enterrer sans autre. «Il est probable qu’une partie des milieux économiques cherche en fait à gagner du temps en espérant une résurrection de l’atome au niveau international», souligne le quotidien de gauche édité à Genève.
Les regards se tournent désormais du côté de la droite conservatrice, qui a lancé un référendum pour combattre la stratégie énergétique 2050 du Conseil fédéral. «L’UDC, qui continue de croire au nucléaire, aura beau jeu de dénoncer le coût de la transition énergétique. Car il est vrai que celle-ci ne sera pas gratuite. On ne peut pas développer de façon importante les énergies renouvelables sans des mesures incitatives forcément onéreuses. Mais soyons sérieux, quelle est l’alternative? Les changements climatiques imposent le passage à des énergies propres. Il faut investir pour l’avenir au lieu de chercher à préserver une technologie du passé», conclut la Liberté de Fribourg.
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