Des perspectives suisses en 10 langues
Votations fédérales du 18 juin 2023

Feu vert à la nouvelle taxation des multinationales

Ville de Zoug vue du ciel
En cas de vote populaire positif ce dimanche, la taxation augmentera un peu pour le nombreuses multinationales établies à Zoug. Keystone / Christian Beutler

Le peuple et les cantons ont largement validé dimanche la nouvelle taxation des grandes entreprises internationales présentes sur le sol suisse. Cette réforme, voulue par l’OCDE, prévoit une taxation minimale de 15%. Le peuple suisse est le seul à s'être directement prononcé sur cet objet.

Dès la mi-journée, l’institut gfs.bern s’attendait à une large acceptation de cet objet dans les urnes. Les résultats lui ont donné raison.

Tous les cantons ont accepté la modification proposée. Et accepté très facilement, faut-il souligner, puisque le taux d’acceptation n’est jamais inférieur à 70% des voix. 

Contenu externe

Accord international

À la suite de la crise financière puis économique de 2008, les États ont eu besoin d’énormément d’argent pour empêcher le système de sombrer. Dans un tel contexte, le fait que des entreprises multimilliardaires – au premier rang desquelles les fameuses GAFA – puissent en grande partie échapper à l’impôt en mettant à profit les opportunités des «paradis fiscaux» ne passait plus vraiment.

C’est la raison pour laquelle, au terme de longues tractations, l’Organisation de coopération et de développement économique (OCDE) a réussi à faire aboutir une réforme à l’échelle planétaire qui exige un taux d’imposition minimal de 15% pour les multinationales dont le chiffre d’affaires annuel dépasse 750 millions d’euros.

Des pays comme le Luxembourg, l’Irlande ou la Suisse attirent depuis longtemps de grandes multinationales sur leur sol notamment grâce à un taux d’imposition attractif. Mais ces pays ont dû s’aligner sur la décision de l’OCDE, au risque de subir des mesures de rétorsion. La particularité de la Suisse est d’avoir soumis cette décision au verdict populaire, étant donné que l’objet touche à la Constitution, ce qui rendait le vote obligatoire.

Répartition contestée

Le gouvernement ainsi qu’une majorité du Parlement recommandaient d’accepter cette imposition minimale. De manière assez étrange, la seule opposition de poids provenait du Parti socialiste, un parti qui milite pourtant de longue date pour une plus forte imposition des grandes entreprises.

La question de fond, c’est-à-dire l’imposition minimale à 15%, n’était pas contestée. La gauche n’était en revanche pas d’accord avec la clef de répartition des fonds supplémentaires issus de ce changement dans la fiscalité des entreprises.

Le projet soumis au peuple prévoit que les trois quarts des recettes supplémentaires aillent aux cantons et un quart seulement à la Confédération. La gauche aurait préféré une répartition à parts égales, étant donné qu’à ses yeux, la Confédération est susceptible de mieux répartir les fonds en faveur de l’ensemble de la population.

Satisfaction de l’économie

Milieux économiques et cantons ont exprimé leur satisfaction après le «oui» à l’imposition minimale des entreprises. Pour economiesuisse, l’Union suisse des arts et métiers (usam) et le Groupement des entreprises multinationales (GEM), ce «oui» permet aux recettes fiscales supplémentaires de rester en Suisse et d’assurer une sécurité juridique aux entreprises concernées.

«En cas de non, les firmes auraient dû s’acquitter de cet impôt à l’étranger», a rappelé Vincent Simon, d’economiesuisse. «Elles auraient alors été soumises à des procédures supplémentaires».

Swissmem souligne que l’excédent des recettes est destiné au financement de mesures visant à améliorer les conditions-cadre pour maintenir la compétitivité de la Suisse. «Ceci est absolument nécessaire si nous entendons suivre le rythme des autres États qui subventionnent massivement des industries-clés», estime la faîtière de l’industrie suisse de machines. Un point de vue partagé par le GEM.

Les Vert’libéraux souhaitent eux aussi que les recettes supplémentaires soient investies dans la promotion de la place économique. Mais ils soulignent qu’une place économique attractive ne se limite pas au taux d’imposition. «Elle signifie par exemple des offres de garde d’enfants en dehors de la famille».

«Très heureux» de ce oui clair et net, le Parti libéral-radical (PLR / droite) demande que les fonds soient utilisés pour développer les infrastructures, la Suisse devant pouvoir faire face à la croissance démographique.

Appel à la justice fiscale

Du côté des perdants du jour, le Parti socialiste, seule formation politique opposée à l’objet, reconnaît une «défaite claire». «Notre position était difficile à expliquer», a déclaré le conseiller national Fabian Molina. Le parti était en effet favorable à l’impôt minimum, mais considérait que la mise en œuvre du Conseil fédéral était injuste.

Le Zurichois par toutefois du principe que l’aggravation de la concurrence fiscale intercantonale redoutée par le PS sera bientôt visible. «La majorité des cantons se rendra alors compte qu’il y a un besoin d’adaptation», a-t-il déclaré.

Soutenant l’introduction d’un impôt minimum pour les entreprises internationales, l’Union syndicale suisse (USS) considérait elle aussi comme «erronée» la répartition prévue des recettes. Pour elle, il s’agit maintenant de trouver une solution pour cette répartition soit utile à la population, confrontée à la perte de son pouvoir d’achat.

Pour AllianceSud, ce «oui» «ne fait pas progresser la justice fiscale globale». Selon Dominik Gross, d’Alliance Sud, «cette réforme ne résout pas le problème de fond, qui est que les entreprises ne paieront toujours pas leurs impôts dans les pays du Sud où elles produisent et où la fiscalité leur serait plus désavantageuse».

«Les recettes supplémentaires générées n’iront donc pas dans les États qui en ont le plus besoin», a-t-il ajouté. «La Suisse doit maintenant s’engager pour que l’ONU puisse remplacer l’OCDE défaillante en tant que force multilatérale de premier plan dans le domaine de la politique fiscale mondiale.»

En novembre, l’Assemblée générale de l’ONU a décidé dans une résolution de lancer des réformes dans ce sens. Un processus soutenu par le Parlement européen, mais freiné par la Suisse, critique la coalition d’ONG.

Plus

En conformité avec les normes du JTI

Plus: SWI swissinfo.ch certifiée par la Journalism Trust Initiative

Vous pouvez trouver un aperçu des conversations en cours avec nos journalistes ici. Rejoignez-nous !

Si vous souhaitez entamer une conversation sur un sujet abordé dans cet article ou si vous voulez signaler des erreurs factuelles, envoyez-nous un courriel à french@swissinfo.ch.

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision

SWI swissinfo.ch - succursale de la Société suisse de radiodiffusion et télévision