
Vive émotion au Portugal après le décès de l’ex-président Mario Soares

(Keystone-ATS) L’ancien président socialiste portugais Mario Soares est décédé samedi à l’âge de 92 ans. Ce fervent pro-européen a marqué de son empreinte l’histoire politique de son pays pendant quatre décennies. Sa disparition a déclenché une vague d’émotion dans le pays.
Un deuil national de trois jours a été décrété à partir de lundi. « Nous avons perdu aujourd’hui celui qui a tant de fois été le visage et la voix de notre liberté, pour laquelle il s’est battu toute sa vie », a-t-il déclaré depuis New Delhi où il se trouve en visite officielle pendant une semaine.
« Perdre Mario Soares, c’est perdre quelqu’un d’irremplaçable dans notre Histoire récente », a estimé le chef du gouvernement socialiste, regrettant de ne pas pouvoir assister aux funérailles d’Etat dont il n’a pas précisé la date.
L’actuel président de la République, le conservateur Marcelo Rebelo de Sousa, a de son côté rendu hommage à « un combattant pour la liberté ». Il a exhorté ses compatriotes à lutter pour « l’immortalité de son héritage ».
Père de la démocratie portugaise
« Je suis sûr que c’est un jour triste pour tous les Portugais. C’est un des fondateurs du régime démocratique dans lequel nous vivons aujourd’hui », a de son côté souligné le chef de l’opposition de centre droit Pedro Passos Coelho
Considéré comme le père de la démocratie dans ce pays, Mario Soares est décédé samedi après-midi à l’hôpital de la Croix-Rouge à Lisbonne où il avait été admis le 13 décembre alors qu’il présentait « des signes d’aggravation générale de son état de santé ».
L’ex-chef d’Etat ne s’était jamais entièrement remis d’une encéphalite dont il avait été atteint en janvier 2013. Sa santé s’était encore dégradée après le décès de son épouse en juillet 2015. Après une amélioration passagère, il était tombé dans un « coma profond » le 26 décembre à la suite d’un « épisode aigu » dont la nature n’a pas été dévoilée.
Figure incontournable
Fondateur du Parti socialiste portugais, ministre des Affaires étrangères, deux fois chef de gouvernement, président de la République de 1986 à 1996 puis député européen, M. Soares était un personnage incontournable de la démocratie portugaise.
« Je ne me suis jamais considéré comme spécial. Je suis quelqu’un de normal », disait toutefois dans un entretien paru en février 2015 cet avocat de formation, entré très tôt en politique en tant qu’opposant à la dictature d’Antonio de Oliveira Salazar.
Engagement européen
Très présent dans le débat public jusqu’à un âge avancé, il a pourfendu avec virulence la politique d’austérité budgétaire mise en oeuvre entre 2011 et 2014 par le gouvernement de Pedro Passos Coelho, sous la tutelle de l’Union européenne (UE) et du Fonds monétaire international (FMI).
Grand artisan de l’adhésion du Portugal à l’UE, en 1986, il dénonçait 25 ans plus tard l’absence de solidarité des grands pays européens, qui avaient selon lui « oublié le projet des pères fondateurs » pour se laisser guider par un « capitalisme sauvage ».
Sans craindre de prendre le contre-pied de l’opinion publique, il a défendu l’ex-Premier ministre socialiste José Socrates, mis en examen dans une affaire de corruption il y a deux ans. Visiblement affaibli, il avait assisté en juillet à une cérémonie organisée en son honneur par l’actuel gouvernement socialiste, sans prendre la parole.
Homme de convictions
Fils d’un curé défroqué, Mario Soares se définissait comme agnostique mais restera dans la mémoire des Portugais comme un homme de convictions et un infatigable animal politique.
Son rôle aura été particulièrement important au lendemain de la Révolution des Oeillets de 1974, un coup d’Etat militaire qui a mis fin à 48 ans de dictature et à 13 ans de guerres coloniales. Faisant barrage au Parti communiste d’Alvaro Cunhal, il a remporté les premières élections libres organisées au Portugal.
Sa dernière joute électorale, la présidentielle de 2006 qu’il a disputée à 80 ans, s’est cependant soldée par un cuisant échec face à son autre grand rival historique, le conservateur Anibal Cavaco Silva.