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Olga, histoire d’un remarquable film suisse

Scene from the film Olga
Le premier long métrage d'Elie Grappe, Olga, raconte l'histoire d'une gymnaste de 15 ans aux prises avec sa double identité suisse et ukrainienne. Promotional

Le jeune réalisateur Elie Grappe évoque la genèse et le succès de son premier long métrage, Olga, qui était à l'affiche des 57e Journées de Soleure.

«Toutes mes excuses pour le retard, j’étais un peu occupé». Alors que nous commençons notre entretien vidéo, Elie Grappe explique comment il passe la plupart de son temps, chez lui à Vevey, à écrire le scénario de son prochain long métrage.

Il s’agit d’un film situé dans les années 1930, qu’il réalise avec Jean-Marc Fröhle. Un producteur qui l’a accompagné pour les deux films l’ayant propulsé sur le devant de la scène internationale – le court métrage Suspendu (2015), présenté dans plus de 60 festivals, et Olga.

Ce long métrage a connu sa première en Suisse allemande le 20 janvier, dans le cadre des Journées de Soleure (du 19 au 26 janvier).

D’une certaine manière, il s’agit de la conclusion logique d’un parcours entamé en août 2020 dans une autre région du pays. A cause de la pandémie, le Festival du film de Locarno a abandonné son format habituel pour mettre en avant des films dont la production avait été bouleversée par la crise sanitaire.

Olga n’avait plus que deux semaines de tournage lorsque le premier confinement a commencé. Il a été l’un des dix projets suisses sélectionnés dans le cadre d’une compétition spéciale du festival de Locarno, intitulée The Films After Tomorrow. Il fait partie maintenant de l’un des cinq films de cette sélection projetés à Soleure.

The film director Elie Grappe
Elie Grappe, réalisateur du film “Olga” le 28 octobre 2021 à Vevey où vit le cinéaste. Keystone / Laurent Gillieron

Un drame ukrainien en Suisse

Avec pour toile de fond les manifestations de l’Euromaidan en Ukraine fin 2013, Olga raconte l’histoire d’une gymnaste de 15 ans aux prises avec sa double identité suisse et ukrainienne. En tant que gymnaste, elle s’entraîne comme une athlète suisse [grâce à la nationalité de son père absent], tandis que sa mère journaliste est en reportage sur le terrain à Kiev et fait face à des dangers quotidiens. Dans un souci d’authenticité, Elie Grappe a fait appel à de véritables gymnastes pour les rôles principaux.

Lorsque le tournage a été suspendu en mars 2020, le jeune réalisateur a dû repenser son approche.

D’un côté, le film avait un casting principal limité et se déroulait en grande partie à l’intérieur de quelques bâtiments, de sorte que la prémisse était déjà partiellement adaptée à la pandémie

D’autres aspects, en revanche, échappaient au contrôle de la production, comme l’explique le réalisateur: «Le film se déroule en hiver, en raison du contexte réel de l’Euromaïdan. Il était donc délicat de terminer le tournage pendant l’été. Et malheureusement, une personne qui devait jouer dans la seconde moitié du film est décédée du Covid-19.»

Contenu externe

Flashes à Cannes

Olga, dont la réalisation a pris cinq ans depuis que le réalisateur a commencé à faire des recherches sur le sujet, a finalement été dévoilé au Festival de Cannes en juillet 2021, dans le cadre de la section Semaine de la critique.

Ce fut une expérience exaltante, mais aussi un peu irréelle. «Nous avons terminé le mixage sonore cinq jours avant la première, donc cela ne semblait pas encore tout à fait réel au début, dit Elie Grappe. Ce n’était pas la première fois que j’allais à Cannes, mais je n’avais jamais présenté mon propre travail. Et c’était incroyable de voir que les salles étaient pleines à craquer.»

Moins de deux mois après la première mondiale, Olga a été choisi comme candidat suisse pour la catégorie du meilleur long métrage international aux Oscars, mais n’a pas réussi à faire partie de la «short listLien externe» des films présélectionnés précédant la nomination officielle. Le dernier film helvétique à s’être rendu jusqu’à la cérémonie était Journey of Hope de Xavier Koller, qui a remporté le prix en 1991.

Cela a peut-être affecté les chances de trouver un distributeur américain, mais la campagne pour les Oscars a porté ses fruits, selon Elie Grappe: «Je me suis rendu deux fois aux États-Unis après que nous avons été choisis, et j’ai rencontré une agence de talents, la CAA (Creative Artists Agency). C’est une grande affaire, non seulement pour ma carrière, mais aussi pour d’autres projets suisses, comme ceux sur lesquels Jean-Marc Fröhle travaille et qui ne me concernent pas.»

Le lien avec la France

C’était aussi une source de fierté personnelle. «Je me sens reconnu comme cinéaste suisse, ayant vécu ici depuis 12 ans maintenant», souligne Elie Grappe. Né à Lyon en 1994, il s’est installé dans le canton de Vaud en 2010 et a obtenu son diplôme en études cinématographiques à l’École cantonale d’art de Lausanne (ECAL) en 2015. Son court-métrage de fin d’études, Suspendu, qui évoque également le corps humain dans un contexte sportif, est toujours visible sur la plateforme Play SuisseLien externe de la SSR, dont fait partie swissinfo.ch.

Alors, que ressent-on quand un média comme le magazine Le Film Français essaye de s’approprier Olga? «Les Français le font quand cela les arrange, en tant que pays coproducteur. Mais le financement a été essentiellement suisse. Ne vous méprenez pas, je n’ai rien contre le fait de travailler en France, mais je me sens chez moi ici, et je suis ravi que mon prochain film soit largement financé en Suisse», dit-il.

Alors que l’entretien touche à sa fin, nous discutons de l’absence d’une véritable identité pour le cinéma suisse, notamment parce que la plupart des films ne voyagent pas vraiment en dehors de leurs régions linguistiques, à l’exception des festivals et des plateformes numériques.

«C’est effectivement un problème», déclare le cinéaste, tout en concédant qu’il ne peut pas vraiment en parler à titre personnel. «Je ne suis pas en mesure de me plaindre, car mon film bénéficie réellement d’une sortie nationale». Déjà projeté dans les régions francophones et italophones, Olga est programmé dans les cinémas de Suisse alémanique à partir du 24 février.

En ce qui concerne la scène cinématographique nationale, il pense que les préjugés entre régions linguistiques sont erronés. Ce n’est pas seulement parce qu’il est français et a choisi de faire de la Suisse son centre personnel et créatif: «Le cinéma dans ce pays est très fort, avec un travail très intéressant provenant des jeunes talents, comme Andreas Fontana ou Cyril Schäublin, par exemple, relève-t-il. Nous avons cette grande diversité, qui est assez accessible pour un large public et obtient également un soutien et un financement pour aller dans des endroits intéressants, notamment les documentaires. J’aime le fait qu’une chaîne de supermarchés comme Migros contribue financièrement à des œuvres assez audacieuses et radicales dans leur langage visuel.»

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