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Comment rendre les traitements contre les allergies alimentaires abordables

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Helen James / SWI swissinfo.ch

Le plus récent des traitements à disposition contre l’allergie alimentaire aux arachides coûte jusqu’à 10'000 dollars par an. À sa sortie, beaucoup voyaient en lui un blockbuster en puissance. Mais les espoirs ont été déçus.

Mère d’une fille porteuse d’une allergie aux arachides et membre du conseil d’administration de l’association suisse ErdNussAllergie & Anaphylaxie VEaA, Isabelle Seger-Sauli ne connaît que trop bien le défi que représente la vie sous le coup de cette affection.

«Pour assurer la sécurité d’enfants en âge de scolarité, les parents ont souvent à former les personnes impliquées – enseignants, cuisiniers des cantines – à l’allergie et ses symptômes. De même qu’à l’utilisation correcte des médicaments d’urgence», confie-t-elle à swissinfo.ch.

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Les personnes porteuses d’allergie aux arachides doivent éviter le moindre contact avec un quelconque produit à base de la plante. Ou alors, risquer un choc anaphylactique potentiellement létal sans l’administration rapide d’une injection d’épinéphrine. Le personnel médical peut contribuer à une désensibilisation en administrant régulièrement de petites quantités de protéine d’arachide, oralement ou par injection. Un moyen de prévenir une issue fatale mais pas de soulager les symptômes. Vivre avec cette allergie peut donc conduire l’individu touché à s’isoler socialement.

«La souffrance psychologique liée à une allergie alimentaire ne doit pas être sous-estimée. Les enfants qui en pâtissent risquent d’être mis à l’écart en raison des restrictions alimentaires qui leur sont imposées. Une situation pouvant s’avérer problématique, notamment pour les fêtes d’anniversaire et autres événements scolaires impliquant de la nourriture», explique Isabelle Seger-Sauli.

Un remède miracle

Un médicament approuvé aux États-Unis par la Food and Drug Administration (FDA) aurait pu changer la donne pour sa fille. En janvier 2020, une annonce de la firme américaine Aimmune a fait grand bruit dans les milieux financiers autant que chez les personnes allergiques aux arachides. Son nouveau remède, le Palforzia, venait de passer entre les fourches caudines de la FDA, devenant le tout premier médicament à prise orale capable de réduire les symptômes de l’allergie. Un traitement approuvé pour les 4-17 ans avec un diagnostic confirmé.

Les études portant sur son efficacité montraient que près de 70% des bénéficiaires du Palforzia étaient à même de tolérer une dose de 600 mg de protéine d’arachide, contre seulement 4% pour les récipiendaires d’un placebo. Après six mois de traitement, les personnes ne présentaient souvent que de légers symptômes une fois exposées à des arachides dans leur environnement.

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Quelques mois seulement après l’approbation du Palforzia par la FDA, Nestlé Health Science a racheté la compagnie Aimmune pour 2,6 milliards de dollars.

«Le Palforzia d’Aimmune, le premier médicament approuvé pour le traitement de l’allergie aux arachides, change la donne et ce n’est que le début. L’expertise pharmaceutique et l’infrastructure d’Aimmune viendront compléter notre recherche et développement existants pour stimuler davantage la croissance à l’échelle mondiale», assurait Greg Behar, CEO de Nestlé Health Science, dans un communiqué d’octobre 2020.

La question du prix

L’optimisme de Nestlé semblait justifié sachant que diverses études estiment entre 1% et 2% la prévalence de l’allergie aux arachides au sein de la population des pays occidentaux. Rien qu’aux États-Unis, on considère qu’un million d’enfants sont concernés et que seul un sur cinq surmonte l’allergie. Le prix du traitement au Palforzia atteint toutefois 890 dollars par mois aux États-Unis et 10,12 livres sterling par jour au Royaume-Uni – soit 10’680 dollars par an.

«Le prix et les niveaux de prise en charge par l’assurance maladie varient de pays et pays, en collaboration avec les autorités nationales de régulation», selon Jacquelyn Campo, porte-parole de Nestlé Health Sciences, interrogée sur l’accessibilité financière du médicament.

Le Palforzia n’est disponible en l’état qu’aux États-Unis, en Grande-Bretagne, en Autriche, en Allemagne et en Suisse. Dans la Confédération, où il est approuvé depuis mai 2021, il n’est pas inclus dans la liste des remèdes couverts par l’assurance maladie obligatoire de base.

«Palforzia est autorisé par Swissmedic [l’autorité de contrôle des médicaments] pour les allergies aux arachides. Mais comme il ne figure pas sur la liste des spécialités, il n’est généralement pas remboursé par les assureurs maladie», explique Christophe Kaempf, porte-parole de Santésuisse, l’association des assureurs maladie.

Jusqu’ici, Palforzia n’a rencontré qu’un accueil mitigé de la part du secteur médical. Mais Nestlé n’incrimine pas son prix élevé. Outre la pandémie du Covid-19, le groupe avance comme obstacle majeur la réticence des personnes allergiques à multiplier les trajets nécessaires à l’administration progressive de doses plus importantes. 

«Au lieu d’un blockbuster, il est de plus en plus assimilable à une thérapie de niche très puissante et très performante», déclarait le PDG de Nestlé Mark Schneider durant un séminaire pour investisseurs en novembre dernier.

L’année passée, la multinationale suisse avait entamé un examen stratégique sur les suites à donner à son acquisition. Au départ, Nestlé escomptait un chiffre d’affaires annuel d’un milliard de dollars avec le traitement en question. Mais dans ses états financiers pour 2022, le groupe avait inscrit un correctif de valeur de 1,9 milliard de francs du fait d’investissements en marketing et en protection de la propriété intellectuelle insuffisamment fructueux.  

Résultat, Nestlé s’est défait du Palforzia, annonce en a été faite lundi 4 septembre. Le repreneur est le laboratoire biopharmaceutique suisse Stallergenes Greer, spécialisé dans le diagnostic et le traitement des allergies. Le prix n’a pas été dévoilé et Nestlé conserve Aimmune retranchée de son médicament. Reste pour les personnes porteuses d’allergie aux arachides à espérer un accès facilité à ce médicament.

Dans le pipeline

Mais d’autres options paraissent possibles avec les travaux de recherche et développement en cours. L’une des pistes est celle d’un vaccin à base de particules semblables à un virus conçues expressément. Des particules porteuses d’une protéine d’arachide allergène à leur surface. Une manière d’améliorer sans risque la réponse immunitaire du corps en faisant ressembler l’allergène d’arachide à un virus inactif.

Le vaccin expérimental a été développé en Lettonie en collaboration avec l’Université de Berne. Il est actuellement administré à l’humain dans le cadre d’essais de phase 1 en vue de sa commercialisation par la société britannique Allergy Therapeutics. La firme se refuse à spéculer sur son prix exact en l’état mais il sera assurément plus abordable que le Palforzia.

«Si le vaccin s’avère efficace en clinique, on estime que la durée et le coût seront inférieurs à ceux des options thérapeutiques à disposition actuellement», indique Allergy Therapeutics.

Traduit de l’anglais par Pierre-François Besson

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