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Du personnel saisonnier de Verbier contraint de dormir dans des vans, faute de logements

Derrière le titre de «meilleure station de ski du monde 2022» se cache une face beaucoup moins ensoleillée. Pour les travailleuses et travailleurs saisonniers qui font vivre Verbier en hiver, la vie est souvent précaire en raison de la rareté des logements et de leurs prix exorbitants.

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Au Châble (canton du Valais), l’Auberge de Bagnes accueille habituellement des randonneurs et randonneuses pour des séjours de courte durée. «Face au manque de logements à Verbier, nous avons choisi cette année de n’accueillir que des saisonniers pour les cinq mois de la saison hivernale», explique Audrey Galas, dans l’émission de la RTS Mise au point. «Nous essayons d’améliorer au maximum leurs conditions, mais le lieu reste un abri antiatomique.»

La gérante se souvient d’une jeune femme qu’elle a hébergée quelques jours le temps qu’elle trouve un logement: «Elle m’a raconté qu’on lui proposait un bail à 1100 francs par mois – c’est déjà beaucoup pour un saisonnier. Et elle devait partager un lit deux places avec un inconnu.» Certes, l’exemple cité est extrême, mais il est révélateur d’un constat sans appel: à Verbier, les logements sont rares et souvent loués à des tarifs très élevés.

serveuse en restauration à Verbier
Près d’un saisonnier sur deux ne reviendra pas à Verbier l’année prochaine. RTS

Un budget logement de 8000 à 10’000 francs

Le budget locatif des travailleuses et travailleurs saisonniers peut facilement atteindre les 8000 à 10’000 francs pour un séjour de quatre à cinq mois, soit près de la moitié de ce qu’ils espèrent gagner sur la saison.

«En regardant les annonces, on trouve des chambres avec un lit superposé dans une colocation de trois à quatre personnes pour 2000 francs par mois. Les saisonniers viennent ici pour gagner de l’argent, mettre de côté. S’ils doivent tout dépenser en logement, ils ne vont pas venir», annonce Alexandre Claude, gérant dans un bar de la station. Le jeune homme a eu de la peine à trouver un barman. Il a fini par accepter de loger son employé chez lui pour rendre le poste attractif.

Un moniteur ou une monitrice de ski, par exemple, gagne en moyenne 23 francs de l’heure. Originaire de Morgins, Jenna Keller est monitrice à l’Ecole suisse de ski depuis plusieurs années. Pour se loger, elle loue désormais un appartement à l’année. «Il vaut mieux louer, même à vide, un logement à l’année que de louer à la saison», confie-t-elle.

Restaurateur et agent immobilier

Claude-Alain Besse a dû prendre le taureau par les cornes. En plus de gérer un restaurant, il s’occupe de trouver des chambres ou des studios pour ses 55 employés et employées. Il prend également en charge 30% à 40% du loyer initial.

«C’est aussi notre rôle de patron de faire en sorte que nos collaborateurs se sentent bien. Si un employé est bien logé, il sortira moins le soir et se sentira bien au travail», dit-il. Grâce à ce dispositif, 80% des collaborateurs de Claude-Alain Besse sont revenus cette année pour la saison d’hiver.

La solution du van

Au pied de la télécabine du Châble, sur un parking qui ne voit jamais le soleil, des vans abritent des saisonniers et saisonnières en attente de trouver un appartement. Mais le stationnement des camping-cars n’est toléré que sur une durée de dix jours maximum. «L’objectif est qu’ils y résident pour une durée assez courte et qu’ils trouvent ensuite une solution de logement abordable ou de stationnement sur une place privée», indique Christophe Maret, président de la commune de Val de Bagne.

Et d’ajouter: «Cela n’amène pas une bonne image. Et, en terme de qualité, le van n’est pas approprié dans une région de montagne où il fait froid.» Il reconnaît que «d’une certaine manière», il n’a pas envie de récupérer des cadavres quand il fait moins 15 degrés.

La commune est consciente de la situation et évalue les options possibles avec des projets de constructions pour le personnel saisonnier à l’horizon 2026.

vans stationnés
Au pied de la télécabine du Châble, sur un parking qui ne voit jamais le soleil, des vans abritent des saisonniers en attente de trouver un appartement. RTS

Fuite du personnel saisonnier

Ana et son compagnon David ont vécu un certain temps sur le parking du Châble, mais ils ont fini par quitter le Val de Bagne, faute de logement. Ils ont posé leurs valises à Vercorin, où ils ont rapidement trouvé du travail et un appartement pour 900 francs par mois, soit l’équivalent du prix d’un lit en chambre partagée à Verbier.

«Les prix sont hors limites. C’est dingue! Nous avions appelé toutes les agences immobilières», se souvient Ana. «Nous avions réussi nos entretiens d’embauche, mais nous attendions de signer notre contrat. Mais comme nous n’avions pas de logement, le job a été attribué à quelqu’un d’autre.»

Ana et son compagnon ne sont pas des cas uniques. Près d’un-e saisonnier-e sur deux ne reviendra pas à Verbier l’année prochaine.

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