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Moins payés, mais indispensables: le quotidien des enseignants sans diplôme

Une enseignante donne une leçon
Michèle aide les élèves avec leurs exercices de maths, en tenant compte des besoins spécifiques de chacun. SRF

Chaque jour, Michèle et Marko se présentent devant leur classe. Engagés sans diplôme pour répondre à la pénurie d’enseignants, leur implication reste totale; malgré les défis qu’implique leur situation.

Depuis trois ans, Michèle Nuspel enseigne à l’école de Pieterlen, dans le canton de Berne. Elle prend en charge une classe mixte de première et de deuxième année; des enfants aux profils très divers dont certains sont atteints de TDAH ou de troubles d’apprentissage. Michèle travaille à plein temps. Mais comme elle n’a pas suivi d’études à la Haute école pédagogique (HEP) son salaire est amputé de 20%.

«Je travaille un jour par semaine gratuitement», déplore-t-elle. Une situation qu’elle juge injuste. Elle comprend qu’un enseignant sans diplôme perçoive un salaire réduit, mais estime que 10% de moins serait plus raisonnable. «Nous sommes jugés assez compétents pour gérer seuls une classe, mais pas pour recevoir un salaire complet», ajoute-t-elle.

«Les enfants m’ont appris à me réjouir de choses qui ne me touchaient pas avant.»

Michèle Nuspel, enseignante au primaire

Ne disposant pas d’une formation pédagogique classique, Michèle doit trouver d’autres moyens pour concevoir ses cours. Elle puise des idées sur les blogs d’enseignants ou sur les réseaux sociaux. Pour elle, il est essentiel de s’intéresser à la manière dont d’autres organisent leurs leçons. Et il ne faut pas avoir peur de tester une idée simplement parce qu’elle vient d’Internet. «On peut essayer. Si ça ne fonctionne pas, on laisse tomber», précise-t-elle.

+ Le sujet de la SRF, en allemand:

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Un rêve devenu réalité

Michèle a toujours voulu devenir enseignante, mais elle a d’abord suivi une autre voie. Elle s’est inscrite à deux formations en haute école spécialisée – psychologie économique et communication – avant de se rendre compte que cela ne lui convenait pas. Lorsqu’elle apprend que l’école de Pieterlen cherche des enseignants, elle tente sa chance. Un choix qu’elle ne regrette pas.

Une femme promène son chien
Pendant la pause de midi, Michèle promène ses chiens pour déconnecter. SRF

Travailler avec des enfants a changé sa vision de la vie et du quotidien. «Les enfants m’ont appris à me réjouir de choses qui ne me touchaient pas avant», confie-t-elle. Par exemple, un simple arc-en-ciel vu par la fenêtre de la classe.

Michèle s’est lancée dans ce métier pour être au contact des enfants. La direction de son école ne lui met pas de pression pour entamer une formation à la HEP, mais elle prévoit tout de même de débuter son cursus en 2026.

Risque ou enrichissement?

Les écoles prennent-elles un risque en plaçant des enseignants non diplômés face aux élèves? José Oberson, directeur de l’établissement de Pieterlen, est clair: «Nous n’avons tout simplement pas le choix.» Et ils ne sont pas les seuls. Dans le canton de Berne, on recense environ 2500 enseignants sans formation adéquate. La priorité, dit-il, est de réduire les risques. Il admet néanmoins que l’absence de diplôme peut nuire au niveau scolaire des élèves: «Il existe des études qui le montrent. On ne peut pas embellir la réalité», précise-t-il.

Pénurie d’enseignants en Suisse

D’ici à 2031, la Suisse aura besoin d’environ 43’000 à 47’000 nouveaux enseignants pour le primaire, et de 26’000 à 29’000 pour le secondaire I. Bien plus que ce que peuvent former les hautes écoles pédagogiques. Seuls quelque 34’000 diplômes devraient être délivrés. Le manque sera partiellement comblé par des enseignants d’autres degrés, venus de l’étranger ou encore en formation.

Source: Office fédéral de la statistique, 2022

La formation des enseignants constitue une base nécessaire, ajoute José Oberson. Sans elle, la qualité de l’enseignement est affectée. «Notre tâche, en tant que direction d’école et au niveau cantonal, c’est d’activer un réseau de soutien pour ces nouveaux enseignants.» Il est essentiel, selon lui, de repérer les talents et de les intégrer au système scolaire.

Le grand saut

C’est le cas de Marko Ristic. Après des études en journalisme, il travaille dans différents domaines, dont la banque et un bureau d’architectes. Mais il ne s’y épanouit pas. Lorsqu’une amie lui propose de devenir enseignant, il est d’abord sceptique. Il repense à ses années d’école: «Je ne me sentais pas pris au sérieux, j’étais juste un élève parmi d’autres.» Un peu insolent, capable de remarques déplacées, ajoute-t-il.

«J’étais très nerveux pendant la première semaine.»

Marko Ristic, enseignant au secondaire

Mais après avoir parlé de ce projet avec sa famille et ses amis, Marko se laisse convaincre. En août 2020, il fait le grand saut: il devient maître de classe à l’école secondaire de Neunkirch, dans le canton de Schaffhouse. «J’étais très nerveux la première semaine», se souvient-il. «Je ne savais pas si les jeunes allaient se moquer de moi ou me trouver nul.» Il donne tout. Et ensuite?

Un enseignant donne une leçon
Marko tient à ce que ses élèves se sentent pris au sérieux. SRF

Le vendredi, après sa dernière leçon, il s’effondre sur le canapé, épuisé, mais heureux: «J’ai adoré enseigner.» Il découvre un métier porteur de sens. Et il bénéficie encore aujourd’hui de ses expériences dans ses anciens emplois.

Un atout venu du privé?

En classe, Marko partage aussi ses échecs professionnels – ses erreurs, comme avoir trop remis en question les décisions ou voulu parler au nom de toute une équipe, ce qui lui a coûté un poste. «Sur le moment, c’était dur, mais finalement ça a été.» Est-il avantagé par rapport à d’autres enseignants, plus classiques?

«Je pense que oui», répond-il. «J’ai passé dix ans dans le privé, on y vit des choses qu’on ne voit pas dans une HEP ou un gymnase. Quand je raconte une situation vécue, c’est plus authentique que de dire: « C’est ce qui est écrit dans le manuel. »»

«Je ne faisais que travailler.»

Marko Ristic, enseignant au secondaire

Comme Michèle, Marko n’a pas fréquenté de HEP. À la place, il suit le programme ready for teaching du canton de Schaffhouse. Une fois ce dernier terminé, son salaire restera inférieur de 10%.

Burn-out et équilibre

Maisles exigences élevées du métier, combinées à ses propres attentes, l’ont poussé à bout.«Je ne faisais que travailler», explique-t-il. Tout le reste passait à la trappe. «Quand un collègue me racontait quelque chose d’important, cela ne me touchait même plus.» Marko frôle le burn-out. Il comprend qu’il doit changer et commence une thérapie.

D’abord, il doit réapprendre à dormir. «Et j’ai dû apprendre à ne pas ramener l’école à la maison.» Aujourd’hui, il laisse son ordinateur portable à l’école. «Quand je pars, je pars.» Il lui aura fallu deux ans pour réellement déconnecter. Marko adore son métier et garde le contact avec plusieurs anciens élèves.

Le lien avant tout

Thayson et Nils, deux anciens élèves, rendent régulièrement visite à leur ex-professeur. Tous deux ont commencé un apprentissage dans le domaine de la santé. Il leur arrive de revenir à leur ancienne école pour étudier. Ils se souviennent de leurs années avec Marko: «Avec les autres profs, c’était très strict. Lui, on pouvait aussi rigoler.» Et Thayson ajoute qu’il a appris de Marko bien au-delà du programme scolaire.

Un enseignant avec deux élèves dans une classe.
Bien que Thayson et Nils aient quitté l’école, ils aiment rendre visite à leur ancien enseignant. SRF

«Marko nous disait toujours: Si tu donnes quelque chose à quelqu’un, ça te revient toujours au double.» Une maxime que Thayson garde en tête. Marko, lui, se remémore sa classe avec émotion. Une chose est certaine: il veut être le professeur qu’il n’a jamais eu.

Texte traduit de l’allemand à l’aide d’un traducteur automatique/dbu

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