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La Suisse joue gros dans ses négociations avec l’UE

«Le statu quo n’est pas au menu des relations Suisse-UE»

Après la rupture de 2021, Berne et Bruxelles ne devraient pas se rapprocher avant les législatives fédérales d’octobre, estime le politologue René Schwok. Plus optimiste, Astrid Epiney, spécialiste du droit européen, attend une avancée avant l’été. swissinfo.ch en a débattu avec deux des plus éminents spécialistes du dossier en Suisse.

«La classe politique suisse est tétanisée par les élections fédérales. Dans ce contexte, aucun parti n’a ainsi intérêt à faire avancer les relations entre la Suisse et l’Union européenne (UE)», affirme René Schwok, politologue à l’Université de Genève et auteur de plusieurs livres sur les relations entre la Suisse et l’UE.

En mai 2021, le gouvernement suisse rompait les négociations autour d’un accord-cadre institutionnel avec l’Union européenne. Depuis lors, les relations entre Berne et Bruxelles piétinent.

René Schwok est convaincu que la situation n’évoluera pas avant les législatives fédérales du 22 octobre. «Du côté de Bruxelles, on m’a également assuré qu’on ne s’attendait à aucun progrès avant octobre», dit-il. «Le plus grand parti de Suisse, l’Union démocratique du centre (UDC / droite conservatrice), est totalement hostile à un accord-cadre institutionnel. Son modèle est l’accord sur le Brexit négocié par le Royaume-Uni. Quant aux autres partis, ils préfèrent taire cette question, à l’exception des Verts libéraux», détaille le politologue.

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«Je ne suis pas certaine qu’il faille être aussi pessimiste», réagit Astrid Epiney. La rectrice de l’Université de Fribourg et spécialiste du droit européen considère que la nouvelle approche «par paquet» du Conseil fédéral permet d’espérer des progrès avant l’été. En février 2022, le gouvernement a lancé des entretiens exploratoires avec l’UE. Il souhaite trouver des solutions secteur par secteur au lieu d’établir un cadre institutionnel pour chapeauter la relation entre Berne et Bruxelles. 

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Les litiges n’ont pas disparu

Les pierres d’achoppement n’ont toutefois pas disparu. «Il s’agit principalement de déterminer le rôle de la Cour de justice européenne en cas de litiges, de régler la question de la reprise de la législation européenne et celle de la directive sur la citoyenneté européenne», énumère Astrid Epiney. Elle se dit toutefois convaincue qu’il est possible de trouver des solutions pour ces différents points. «Le statu quo n’est pas au menu, parce que l’UE n’en veut pas. Il faut donc trouver une solution rapidement», souligne Astrid Epiney.

Les deux experts du dossier estiment que si on ne parvient pas à des résultats et qu’on laisse stagner la situation sur le long terme, l’accord sur la libre circulation des personnes pourrait être remis en cause. Sans celui-ci, les droits des près de 450’000 Suisses établis dans un pays de l’UE seraient restreints. Le regroupement familial pourrait notamment ne plus être garanti, tout comme la reconnaissance des diplômes. «Je crains un scénario à la britannique. On observe aujourd’hui des cas concrets de citoyens britanniques établis au sein de l’UE qui se voient discriminés», affirme René Schwok.

L’EEE n’est pas une option

Malgré les obstacles, la voie bilatérale semble pour l’heure la seule piste pour élaborer un rapprochement entre la Suisse et l’UE, estiment Astrid Epiney et René Schwok. À l’occasion des 30 ans de l’échec en votation populaire de l’Espace économique européen (EEE), les Verts libéraux (écologistes du centre) ont récemment relancé l’idéeLien externe d’y adhérer. Cela n’est cependant pas réaliste aux yeux de René Schwok: «Le Conseil fédéral veut élaborer à partir des accords bilatéraux. Il veut trouver une solution qui ressemble d’une manière ou d’une autre à l’accord-cadre institutionnel, mais qui porterait un autre nom».

Ce n’est pas une option non plus aux yeux d’Astrid Epiney. «C’est une construction qui fonctionne bien, mais qui implique beaucoup de transferts de droits, davantage que les accords bilatéraux», constate cette dernière.

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