Un avocat kirghiz lauréat du Prix Nansen sur les réfugiés
(Keystone-ATS) Il a contribué à faire du Kirghizstan le premier pays au monde à être libéré de toute apatridie. L’avocat et militant des droits de l’homme Azizbek Ashurov a été désigné mercredi à Genève lauréat cette année du Prix Nansen du Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR).
S’il fait part d’un « grand honneur », le Kirghiz affirme dans un entretien à Keystone-ATS que cette récompense est celle de tous ceux qui aident les apatrides, des « personnes invisibles » et du gouvernement kirghize qui a soutenu son ONG. « C’est un prix pour le pays », dit-il.
Devant la presse, il a ensuite partagé sa grande « émotion ». De son côté, le Haut commissaire Filippo Grandi a salué la « résolution personnelle » de M. Ashurov dans cette lutte. Grâce à cet avocat notamment, le Kirghizstan « a atteint les objectifs de la campagne du HCR » pour réduire l’apatridie « cinq ans en avance ».
Le Prix Nansen est attribué par un comité piloté par la Suisse et la Norvège. M. Ashurov a « permis à la voix des apatrides de résonner fortement », explique l’ambassadeur suisse auprès de l’ONU à Genève Valentin Zellweger. En Suisse, le nombre de demandes d’apatrides a été multiplié par quatre ces dernières années et atteint environ 160 cas par an. Au total, 630 personnes se sont vu reconnaître un tel statut.
De son côté, le Kirghizstan, qui abrite même un sommet montagneux du nom de Nansen, premier Haut-commissaire pour les réfugiés, est salué comme un exemple. Actif depuis 15 ans pour tenter d’obtenir la nationalité kirghiz aux apatrides, M. Ashurov dirige l’ONG Avocats sans Frontières dans la vallée de la Ferghana.
Plusieurs unités mobiles
Après la fin de l’Union soviétique, des centaines de milliers de personnes en Asie centrale, surtout des femmes, se sont retrouvées bloquées dans les frontières des nouveaux Etats, sans nationalité. Elles sont privées du droit à une assurance-santé ou encore de la possibilité de travailler. Au Kirghizstan, pendant longtemps, elles redoutaient d’être arrêtées par la police, de devoir payer des amendes ou même d’être expulsées, dit M. Ashurov.
Cette situation a été largement observée dans la vallée de la Ferghana, partagée entre le Kirghizstan, l’Ouzbékistan et le Tadjikistan. Des membres de la famille de M. Ashurov et lui-même, arrivés d’Ouzbékistan, ont été confrontés pendant une certaine période à ces difficultés.
Après avoir offert une assistance légale aux groupes vulnérables, l’activité de son ONG a rapidement cherché à identifier l’ensemble des cas d’apatrides dans le sud du Kirghizstan. Des dizaines d’unités mobiles d’avocats ont été acheminées dans les zones les plus reculées, y compris des 4600 membres de la communauté Lyuli qui peuvent désormais participer à la vie politique et bénéficient d’électricité.
Jusqu’à « 30 à 40 cas » étaient pris en charge chaque jour. Il fallait entre trois mois et un an et demi pour les résoudre. Le dernier passeport parmi les quelque 13’700 cas a été établi début juillet, a précisé M. Ashurov.
Son ONG a collaboré avec les autorités nationales pour une amnistie temporaire et pour faciliter l’attribution de la nationalité à ces personnes. Elle oeuvre encore désormais pour garantir un enregistrement des bébés.
Discussion attendue à Genève
Il faudra ancrer la législation nationale pour éviter le retour de ces problèmes, notamment auprès des travailleurs migrants, selon M. Ashurov. Son dispositif, qui a rassemblé jusqu’à 50 collaborateurs, est appliqué par le HCR dans l’ensemble de l’Asie centrale avec les acteurs publics, privés et les ONG.
A tel point que M. Grandi est ouvert au scénario de faire du Krighiz un ambassadeur mondial sur cette question. De même qu’il est prêt à discuter d’une possible équipe d’apatrides aux prochains Jeux olympiques de Tokyo.
M. Ashurov va recevoir lui une médaille et 150’000 dollars. Selon les estimations, au moins 100’000 personnes sont confrontées à l’apatridie dans toute l’Asie centrale. Même si le nombre est probablement plus élevé.
Plus de 10 millions de personnes seraient affectées dans le monde même s’il est difficile d’avoir des données précises selon M. Grandi. Plus de 200’000 ont été régularisées en quelques années. Une discussion de haut niveau est prévue la semaine prochaine dans le cadre du comité exécutif de l’agence onusienne à Genève. Plusieurs pays pourraient alors signer une des deux Conventions sur cette question.