
VD: plus de 90 députés masculins auditionnés au Ministère public

Fait inédit, le Ministère public vaudois a auditionné jeudi 92 députés masculins du Grand Conseil en qualité de témoins à Renens. Chaque élu a passé environ 20 minutes devant un procureur dans le cadre d'une enquête sur des fuites médiatiques liées au bouclier fiscal.
(Keystone-ATS) «L’instruction pénale est consécutive à une dénonciation du Conseil d’Etat pour violation du secret de fonction, à la suite de la publication dans les médias d’informations confidentielles en lien avec le rapport Paychère sur le bouclier fiscal», a indiqué jeudi en fin d’après-midi le Ministère public (MP).
Sur les 100 députés convoqués, 92 ont ainsi été entendus toute la journée par le procureur général Eric Kaltenrieder ou l’un des cinq procureurs du MP. Les entretiens, «volontairement brefs», ont duré une vingtaine de minutes en moyenne, est-il précisé. Pour des questions d’indisponibilité à cette date, huit députés ont demandé un report de leur audition. Ils seront entendus prochainement.
«Un député nous informe»
Pour rappel, le gouvernement a présenté le 26 août dernier devant les médias les conclusions du rapport de l’expert indépendant François Paychère, qu’il avait mandaté dans le but d’établir un état de fait du traitement du bouclier fiscal dans le canton de Vaud entre 2009 et 2021.
Sa conclusion: la pratique du bouclier fiscal a été non conforme à la loi durant ces années. Le rapport n’avait toutefois pas pu chiffrer les pertes fiscales ni éclaircir les véritables responsabilités.
Or, le 16 août, un article du Temps intitulé «Le rapport Paychère sur le bouclier fiscal est retardé» faisait quelques révélations. Il mentionnait: «un député nous informe avoir eu connaissance des grandes lignes de ce document censé rester confidentiel», «un autre élu au Grand Conseil assure que ce qui va sortir ‘s’annonce mal pour le PLR et pour l’administration’ ou encore «selon nos informations, le chancelier Michel Staffoni (…) a été récusé du dossier».
«Crédible et légitime»
C’est sur quoi le Conseil d’Etat a adressé le 1er septembre une dénonciation pénale au procureur général Eric Kaltenrieder pour violation du secret de fonction. Motif invoqué: au moment de la publication de cet article, le contenu du rapport et la récusation du chancelier étaient des informations couvertes par ledit secret.
«Estimant crédible et légitime le soupçon de violation du secret de fonction par une ou plusieurs personnes au fait du contenu du rapport Paychère, le procureur général a décidé d’ouvrir une instruction pénale le 16 septembre 2025», explique le MP.
Le Ministère public justifie ensuite sa démarche. «Se fondant sur les informations de l’article du Temps, dont l’auteur est soumis au principe de protection des sources, et cherchant à identifier les élus dont il est fait mention, le procureur général a décidé de convoquer l’ensemble des députés (hommes) en qualité de témoins».
«Il est important de préciser que la violation du secret de fonction n’est pas reprochée à ces personnes, mais bien à celle ou celles qui leur auraient communiqué tout ou partie du contenu du rapport. A ce titre, M. Kaltenrieder espère que ces témoins pourront contribuer à l’avancée de cette enquête pénale sur une question essentielle au bon fonctionnement de nos institutions», poursuit le communiqué.
Pas de lien avec l’autre enquête
A ce stade de l’instruction, le Ministère public ne peut indiquer les résultats de ces auditions. Il communiquera sur les suites de cette procédure en temps opportun.
A noter que ces auditions du jour n’ont donc pas de lien direct avec l’instruction pénale ouverte par M. Kaltenrieder à l’encontre de la conseillère d’Etat Valérie Dittli pour des faits potentiellement constitutifs d’abus d’autorité, lorsqu’elle dirigeait le Département des finances. Ce volet pénal découle, lui, de la publication d’un autre rapport, celui de Jean Studer, en mars dernier.
Ce rapport mettait en lumière de possibles demandes de l’ex-ministre des finances d’annuler des taxations de riches contribuables soumis au bouclier fiscal. Des accusations que la conseillère d’Etat centriste a toujours réfutées.