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Le chômage des frontaliers, nouvelle pomme de discorde franco-suisse?

Jean-Yves Le Drian (à gauche) et Ignazio Cassis ont affiché un large sourire à l'occasion de leur deuxième rencontre ministériel. Keystone

Le ministre français des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian s’est rendu vendredi à Berne pour une visite de travail avec son homologue suisse Ignazio Cassis. Parmi les points chauds du moment, l’épineuse question de l’indemnisation des travailleurs frontaliers au chômage.

Après leur première rencontre à Paris fin 2017, Ignazio Cassis et Jean-Yves Le Drian se sont à nouveau rencontrés vendredi pour un déjeuner de travail à Berne. «Les deux ministres ont souligné l’importance, depuis plusieurs années, de la très bonne relation entre la France et la Suisse qui couvre des domaines variés et se caractérise par des contacts réguliers à différents niveaux», a indiqué le Département fédéral des affaires étrangères dans un communiquéLien externe diffusé à l’issue de la réunion. 

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Les entretiens ont porté sur les derniers développements survenus dans le domaine de la politique européenne de la Suisse ainsi que sur des questions multilatérales telles que la migration, le désarmement nucléaire ou la crise iranienne. Devant les médias, Ignazio Cassis a souligné qu’il n’existait actuellement aucun dossier ouvert entre les deux pays.

La bonne entente entre les deux pays pourrait toutefois être mise à mal par la question du chômage des frontaliers. Interrogé au cours de la conférence de presse, Jean-Yves Le Drian a déclaré que la proposition provenait de l’Union européenne et que ce dossier ne figurait pas à l’agenda des relations bilatérales franco-suisse. Le DFAE n’a pas non plus fait mention de cette problématique dans son communiqué. 

Fin juin, les ministres des Affaires sociales de l’UE s’étaient mis d’accord pour que les frontaliers soient à l’avenir indemnisés par le pays où ils travaillent, et non plus où ils résident, comme c’est le cas actuellement. Si cet accord passe la rampe du Parlement européen cet automne, les coûts supplémentaires à charge de l’assurance-chômage helvétique pourraient s’élever à plusieurs centaines de millions de francs par an. 

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Davantage d’équité entre Etats

Dans une interview réalisée avant sa venue en Suisse et publiée vendredi par les quotidiens Le TempsLien externe et Neue Zürcher Zeitung, Jean-Yves Le Drian s’est pourtant montré plus direct. Il a indiqué que la France soutenait les propositions de la Commission européenne visant à améliorer l’équité entre les Etats où les frontaliers résident et ceux où ils travaillent. «Pour la France, il est de bonne administration que l’Etat qui prélève les cotisations chômage contribue principalement à l’indemnisation des chômeurs», a justifié Jean-Yves Le Drian. Cette question n’est pas propre aux relations entre l’UE et la Suisse mais se pose aussi entre Etats membres, a encore souligné le ministre français des Affaires étrangères.

Selon une étudeLien externe publiée en 2015 par l’Insee, plus de 350’000 résidents français travaillent dans un pays frontalier, dont plus de la moitié en Suisse. A l’inverse, les flux des pays voisins vers la France sont estimés à seulement 30’000 personnes. La France serait ainsi le principal bénéficiaire du changement de règle voulu par l’UE. L’allègement de la facture pourrait s’avérer conséquent pour les caisses déficitaires de l’assurance-chômage française (UNEDIC): en 2015, la France a ainsi déboursé près de 610 millions de francs pour ses chômeurs frontaliers, alors que la Suisse ne lui a versé que 138 millions de francs de compensation.

Une bombe politique

Reste que la mesure est très contestée et a suscité une véritable levée de boucliers en Suisse. Fin juin, l’UDC (droite souverainiste) a invité ses groupes parlementaires cantonaux à lancer des initiatives afin d’exiger que la Suisse ne verse pas d’indemnités chômage aux frontaliers. Au sein des autres partis gouvernementaux également, on estime que cette directive est une embûche de taille dans les relations déjà compliquées entre la Suisse et l’Union européenne. «L’UE n’aurait pas pu s’y prendre mieux pour ruiner les chances d’un accord-cadre institutionnel», a ainsi déclaré le président du Parti démocrate-chrétien (PDC / centre-droit) Gerhard Pfister, interrogé par la Tribune de Genève. 

+ Indemnités chômage: l’UE fâche la Suisse et les frontaliers

Du côté des associations de défense des travailleurs frontaliers, on juge également d’un œil plutôt critique ce changement de règle voulu par Bruxelles. Les représentants du Groupement transfrontalier européen (GTE) et du Comité de défense des travailleurs frontaliers (CDTF) estiment qu’il serait préférable de revenir au système qui prévalait avant l’entrée en vigueur des accords bilatéraux entre la Suisse et l’Union européenne. A l’époque, la Suisse rétrocédait à la France 80% des cotisations perçues sur l’assurance-chômage des frontaliers, sans toutefois devoir s’occuper de leur reclassement, comme le prévoit la nouvelle directive européenne.

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