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Swisscom négocie avec la Confédération

Swisscom et le gouvernement doivent décider s'ils veulent ou non couper le fil qui les relie. Keystone

Le numéro un suisse des télécoms a entamé des discussions avec la Confédération sur les récentes décisions du gouvernement le concernant.

Analyste du marché des télécommunications, Elie Cohen soutient l’option de la privatisation du géant bleu. Et il pense qu’une décision devrait tomber rapidement.

Le conseil d’administration de Swisscom a débattu des décisions du gouvernement, «analysé la situation et entamé des discussions avec les représentants de la Confédération».

Et l’opérateur historique d’ajouter mercredi qu’il communiquera ses intentions, au plus tôt la semaine prochaine.

De son côté, dans une interview publiée également mercredi par le journal alémanique «Blick», le ministre en charge des télécommunications Moritz Leuenberger affirme qu’il rencontrera, cette semaine encore, la direction de Swisscom, avec ministre des Finances Hans-Rudolf Merz.

pour mémoire, jeudi dernier, le Conseil fédéral (gouvernement) avait annoncé son intention de céder sa participation majoritaire de 66,1% dans le groupe. Et le lendemain, il avais mis un coup de frein aux acquisitions de Swisscom à l’étranger.

Enfin, mardi soir, le ministre (socialiste) de la communication déclarait qu’il soutenait la décision du gouvernement. Et Moritz Leuenberger de se justifier en affirmant que le service public sera garanti, même si Swisscom est privatisé.

Reste que, le projet du Conseil fédéral a fait l’effet d’une bombe. Et qu’il reste plus que jamais controversé au niveau politique.

D’ailleurs, le dossier Swisscom s’est invité inopinément dans le programme de la session d’hiver du Parlement.

Le Sénat (Conseil des Etats) en débattra jeudi 15 décembre. Et des demandes allant dans le même sens sont encore en suspens au Conseil National.

Les erreurs des pays voisins

Economiste au Centre national de recherche scientifique (CNRS) et auteur d’un ouvrage sur la privatisation des télécommunications, Elie Cohen affirme pour sa part que le gouvernement suisse doit éviter de répéter les erreurs des gouvernements français et allemand.

en effet, Paris et Berlin ont conservé une part importante des actions des anciennes entreprises publiques de télécommunication de leur pays. Autant France Telecom que Deutsche Telecom ont accumulé des dettes et multiplié les mauvaises opérations par la suite.

«L’Etat français a vendu sa participation majoritaire dans France Telecom, mais a conservé une participation conséquente, explique Elie Cohen. C’était une erreur et les cinq années qui ont suivi ce transfert ont été les pires de l’histoire de la compagnie».

«France Telecom a perdu des milliards d’euros en achetant des participations dans d’autres compagnies à l’étranger. L’Etat français, qui ne détenait qu’une minorité des actions, n’a pas pu intervenir».

Pour le chercheur du CNRS, le cas de Deutsche Telekom est similaire. Les dirigeants ont pris des décisions qui ont mis l’entreprise en grande difficulté.

Il invite donc le gouvernement suisse soit à vendre ses actions, soit à en acheter la totalité. Pour lui, il n’existe que deux bonnes situations: «soit l’Etat possède la totalité des actions, soit la compagnie est totalement privatisée».

Le souvenir de l’affaire Swissair

Mardi, le ministre de l’Intérieur avait soutenu dans la presse suisse la position du gouvernement helvétique qui refuse que Swisscom achète des entreprises à l’étranger tant que la Confédération est actionnaire majoritaire et que le processus de privatisation du géant bleu n’est pas terminé.

Pascal Couchepin avait également souligné le fait que le gouvernement suisse a surtout recommandé à Swisscom de ne pas acheter la société irlandaise de télécommunications Eircom.

A noter que la dernière aventure extérieure de Swisscom – le rachat de l’opérateur allemand Debitel – lui a fait perdre 3,3 milliards de francs.

D’ailleurs, le week-end dernier, le ministre de la Justice avait déjà souligné sa crainte de voir Swisscom faire les mêmes erreurs que l’ancienne compagnie aérienne nationale Swissair.

Selon Christoph Blocher, cette dernière avait été une bonne compagnie avant de vouloir s’étendre à l’étranger et de finir son aventure en faillite suite à des achats désastreux comme celui de la compagnie belge Sabena.

«Si le gouvernement suisse considère que Swisscom est une entreprise clef pour le pays et qu’il veut empêcher qu’elle tombe en mains étrangères, explique Elie Cohen, il doit en garder le contrôle.»

«Mais, ajoute l’analyste, s’il considère que la compétition serait meilleure pour le secteur des télécommunications, alors il doit privatiser l’entreprise et créer un organe de contrôle fort.»

Les synergies

Elie Cohen estime encore que les entreprises de télécommunications devront s’adapter à l’évolution du marché qui s’est étendu à la téléphonie mobile, les technologies de l’information et les services Internet à haut débit.

«Le marché traditionnel a complètement changé, observe-t-il, et les entreprises doivent constamment revoir leurs stratégies.»

Selon l’analyste, les sociétés de télécommunication doivent par ailleurs renforcer leurs positions à la fois sur le marché intérieur et extérieur. Notamment en faisant de «bonnes acquisitions à l’étranger et en créant des synergies».

«Le groupe Swisscom a un bon capital en banque. Il doit maintenant décider ce qu’elle va en faire, conclut Elie Cohen. Les trois prochaines années seront cruciales.»

swissinfo et les agences

Le gouvernement suisse détient 66% des actions de Swisscom
Le gouvernement allemand détient pour sa part 37% de Deutsche Telekom
Le gouvernement français détient 33% de France Telecom
Swisscom a perdu son monopole sur le marché des télécommunications en Suisse il y a huit ans.

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