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La Suisse gourmande à déguster en ligne

Keystone

Plus de 400 produits réunis sur un site Internet pour découvrir l'éventail des saveurs helvétiques. Tel est l'inventaire des aliments traditionnels que propose l'Association Patrimoine culinaire suisse.

Au début du mois de décembre dernier, l’Association présentait le nouveau site kulinarischeserbe.ch. Cet inventaire inédit des produits alimentaires helvétiques est le fruit de trois ans de travaux de recherche menés par un groupe interdisciplinaire d’experts.

«Il s’agit d’une documentation importante, qui rassemble pour la première fois toutes les données connues sur les produits de la tradition culinaire suisse», explique l’ethnologue Elisa Domeniconi, qui a collaboré aux recherches.

«Cette plateforme peut également servir d’instrument utile dans le cadre de futures demandes de reconnaissance d’appellation d’origine contrôlée (AOC), parce que la base de données contient aussi des informations historiques importantes», ajoute-t-elle.

Critères de sélection

Au total, le site répertorie 404 aliments. Il s’agit avant tout de produits transformés, à l’exception de quelques fruits et légumes du terroir, comme les pommes et les poires du Valais ou encore la rhubarbe du Vully.

Au début de l’opération, chaque canton a été invité à présenter une liste de produits traditionnels à l’Association Patrimoine culinaire suisse. Cette dernière a ensuite examiné les propositions avant de procéder à une sélection sur la base de critères bien précis.

«En premier lieu, ces aliments doivent exister depuis quarante ans ou plus, de sorte qu’ils aient au moins été transmis d’une génération à une autre, précise Elisa Domeniconi. Ensuite, ils doivent encore être consommés aujourd’hui et enfin, ils doivent avoir une valeur particulière pour la population ou la région concernées».

Travail méthodique

Après avoir fouiné dans les bibliothèques et les archives des quatre coins du pays pour retracer l’histoire de chacun de ces aliments, une seconde phase de travail a conduit les experts à collaborer étroitement avec chacun des producteurs retenus.

«Nous nous sommes rendus sur place, pour observer et décrire le processus de fabrication, ajoute encore Elisa Domeniconi. Après quoi, nous avons soumis la fiche rédigée pour chaque produit à son fabricant, afin qu’il la supervise.»

Ces indications ont été soigneusement formatées par des spécialistes. Ainsi, toutes les caractéristiques du produit, telles que le nom, le lieu de fabrication, les ingrédients utilisés, l’histoire, la manière dont il est consommé de nos jours mais aussi ses enjeux économiques, comme son prix et les quantités produites chaque année, sont désormais disponibles sur le site.

Les Helvètes, des gourmands ?

«Ce travail de recherche nous a fait prendre conscience que la majeure partie des produits inventoriés proviennent du secteur de la pâtisserie, suivis des produits carnés et, fait surprenant, les denrées laitières n’arrivent qu’en troisième position, alors que nous avions l’image d’une Suisse productrice de fromages», souligne encore l’ethnologue.

«Cela ne signifie pas que nous sommes plus gourmands de pâtisseries que de fromages, mais ce résultat s’explique du fait que la production laitière a toujours été étroitement réglementée par la Confédération, ce qui a bridé la créativité des fabricants cantonnés à la production des grands fromages de notre pays. A l’inverse des aliments à base de farine, dont la variété est beaucoup plus grande», précise Elisa Domeniconi.

Et les surprises et les curiosités que recèle cet inventaire sont nombreuses. On relèvera par exemple la présence de produits un brin exotiques, comme le «Ganngfisch», ou fera du lac de Constance fumée avec ses œufs, ou encore le fromage à la paille, typique du haut Val Maggia, qui doit son nom à sa robe champêtre.

On y apprend aussi que la grande tradition du pain d’épices s’est répandue grâce aux monastères et à leur activité de commerce des épices, qui a permis la diffusion de cette spécialité sur l’ensemble du pays.

Au-delà des frontières

«Au-delà des spécificités régionales de nombreux produits, souvent connus uniquement dans leur zone d’origine, il y a aussi ceux qui ont franchi les frontières linguistiques et qui sont connus dans le monde entier», affirme Elisa Domeniconi.

C’est notamment le cas des fromages à pâte dure et mi-dure, comme le Gruyère, le Sbrinz, l’Emmental, mais aussi du cervelas, des bonshommes en pâte à tresse ou même, de certains produits industriels, comme la boisson Rivella et le condiment d’assaisonnement Aromat, qui sont de véritables classiques.

Le site de l’Association Patrimoine culinaire suisse est un outil précieux pour de nombreux secteurs, de l’agriculture à la restauration, en passant par le tourisme, mais il permet aussi de répondre aux besoins et aux questions des citoyens, qui s’interrogent sur leur patrimoine culinaire et qui pourront désormais répondre à toutes les questions dans ce domaine.

Et puis, ce catalogue en ligne est ouvert à de nouvelles contributions: «Il s’agit d’un inventaire vivant, qui sera enrichi au fur et à mesure. Il pourra aussi être corrigé et perfectionné grâce aux remarques qui nous seront envoyées par celles et ceux qui consulteront les fiches publiées sur Internet», conclut Elisa Domeniconi.

swissinfo, Paola Beltrame
(Traduction de l’italien: Nicole della Pietra)

Experts. Fondée en 2004 par des experts et des spécialistes des produits régionaux, l’Association Patrimoine culinaire suisse réunit des représentants d’Agridea (Développement de l’agriculture et de l’espace rural), de la COSAC (Conférence des chefs des offices cantonaux de l’agriculture), de l’IPPACS (Inventaire des produits du patrimoine culinaire suisse) ainsi que de Slow Food Suisse.

Inventaire. Conformément au mandat attribué par la Confédération et les cantons, promoteurs de l’initiative, l’Association Patrimoine culinaire suisse a coordonné (de janvier 2005 à décembre 2008), un groupe de recherche formé d’historiens, d’ethnologues et d’experts du secteur de l’alimentation, afin de mettre en œuvre l’inventaire du patrimoine culinaire suisse.

Budget. La réalisation de ce site a été rendue possible grâce à un budget de deux millions de francs, financé par la Confédération, 24 cantons ainsi que plusieurs partenaires privés.

Site. D’un graphisme un brin austère, mais efficace et facile d’usage, le site Patrimoine culinaire suisse permet de rechercher des produits dans les quatre langues nationales. Les fiches descriptives sont rédigées en une seule langue, généralement celle de la région dont est issu le produit.

Parmi les 404 denrées répertoriées, se trouvent:

-174 produits de boulangerie et de pâtisserie
-79 produits carnés
-45 fromages et autres produits laitiers
-43 boissons
-20 fruits, légumes et plantes
-19 confiseries
-10 épices, sels, vinaigres et huiles
-5 produits céréaliers
-3 produits de la pêche
-6 divers

Anciens. Parmi les produits les plus anciens (de plus de 2000 ans), figurent notamment l’épeautre, les fruits secs et la bière. Parmi les plus rares on trouve les Bröötis (pain spécial), les pruneaux au vinaigre, le fromage à la paille, la fera, les Lammlidji (viande séchée de chèvre) ou la tétine fumée. Et parmi les plus coûteux, il y a le safran de Mund (environ 15’000 francs le kilo).

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