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La lutte, chemin de vie pour les Yadaws

Quand la terre et la peau se mélangent. Jean-Marie Jolidon

Le photographe Jean-Marie Jolidon publie un superbe livre intitulé «Les Yadaws de Varanasi».

A ses côtés, les auteurs Mathias Froidevaux et Jacques Staempfli racontent la tradition et le quotidien de cette caste indienne des «laitiers-lutteurs».

Il y a les corps et les visages, tendus sous l’effort. Et il y a la terre, qui envahit tout. La terre qui donne du grain à l’image comme aux hommes. Car les lutteurs en question, les Yadaws, sont des hommes de la glèbe.

Eleveurs de buffles et de bufflesses, dont ils exploitent le lait, ils combattent quotidiennement dans l’Akhara, c’est-à-dire le labours. Pourquoi combattent-ils? Pourquoi peut-on éprouver de la fascination face à ces joutes?

Le préfacier, William Ewing, conservateur du Musée de l’Elysée à Lausanne, a sa réponse: Jean-Marie Jolidon «a compris que la lutte, telle que la pratiquent les Yadaws, n’est pas qu’une simple compétition, mais une démarche, qui donne un sens à la vie», écrit-il.

Une rencontre de hasard

En août 1999, le photographe jurassien bernois Jean-Marie Jolidon, revenant du Tibet, fait escale en Inde, à Varanasi, autre nom de Bénarès.

«J’avais décidé de m’arrêter pendant une semaine au bord du Gange, pour me ressourcer, pour prendre la température et les couleurs de la région. J’ai alors fait la connaissance d’un ‘rickshaw man’ qui m’a parlé des lutteurs, et il m’a conduit chez Lallu», se souvient le photographe.

Lallu, colosse moustachu et buriné. Personnage central, qui aujourd’hui fait la couverture du livre. Il va falloir une semaine à Jean-Marie Jolidon pour convaincre Lallu de lui ouvrir les portes de sa caste. Un bras de fer moral et physique (écoutez l’audio «Pourquoi les Yadaws ont-ils accepté le photographe?»).

Puis six mois d’absence. Le retour à Varanasi, l’accueil alors fraternel de Lallu. Et au total, cinq séjours pour que le photographe puisse boucler son reportage.

Mélange des genres

«Les Yadaws de Varanasi» s’ouvre et se conclut par des images en couleur. Elles racontent les lutteurs, mais aussi Bénarès et le Gange. Quant au corps central de l’ouvrage, les images les plus physiques de la lutte, il est réservé à des images en noir-blanc.

Le noir-blanc, qui met en valeur les lignes, apporte une évidente dimension graphique à la photo. Et, selon Jean-Marie Jolidon, renforce l’ambiguïté entre lutte et étreinte sensuelle.

Double approche iconographique, à l’impression parfaite, à laquelle répond une double approche textuelle.

D’un côté, le récit en lui-même, co-signé par Mathias Froidevaux, par ailleurs journaliste à swissinfo, et Jacques Staempfli. Récit de voyage, de rencontre, riche et documenté.

De l’autre, des encadrés dus au second, entre poésie et réflexion spiritualiste. A l’arrivée, plusieurs niveaux de lecture, et surtout, plusieurs façons d’entrer dans un sujet qui à priori peut paraître rébarbatif.

A la recherche de la pureté

«Ce que j’ai recherché, c’est de travailler sur deux niveaux: le premier, visuel, raconte la lutte des Yadaws. Mais, sur un 2e plan, on découvre que c’est en fait une lutte pour la vie. Et que quand on pratique la lutte dans le respect de l’autre, on va vers l’essentiel. On va au plus profond de soi, et en direction de l’ouverture au niveau des cœurs», précise Jean-Marc Jolidon.

Avant cet ouvrage, le photographe a publié deux livres sur le Tibet. Que lui apporte donc l’Orient que ne peut lui offrir l’Occident?

«L’acceptation de l’autre, répond-il. Pour le Tibet et le bouddhisme, c’est la compassion. Pour les lutteurs, c’est une recherche de son monde intérieur. On trouve aussi des choses de ce genre en Europe… Mais je crois qu’il y a un peu plus de pureté là-bas qu’ici».

swissinfo, Bernard Léchot

– Le photographe Jean-Marie Jolidon, en collaboration avec Mathias Froidevaux et Jacques Staempfli, publie un livre intitulé «Les Yadaws de Varanasi – La caste des laitiers-lutteurs» (Editions Terra).

– Au cœur de cet ouvrage, la tradition de la lutte chez les éleveurs de buffles du nord de l’Inde, en particulier à Bénarès/Varanasi.

– Jouant à la fois de l’image en couleur et en noir-blanc, du récit de voyage et de la poésie, c’est à une vision symboliste de la lutte en tant que quête humaine que nous renvoient les auteurs.

– Parallèlement à la sortie du livre, une exposition des photos de Jean-Marie Jolidon est à voir à la Galerie Regards, Colombier, jusqu’au 24 décembre (Tel. 032 / 842.24.28.)

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