Bush et Saddam, un autre regard
A Genève, le Centre pour l'image contemporaine expose deux films vidéo de Gianni Motti.
L’artiste italien utilise, en les détournant, des images des deux présidents pour faire rire de l’actualité politique. Réussi.
Les troupes américaines se massent aux frontières de l’Irak. Les manifestations d’hostilité au président Bush se multiplient alors que les inspecteurs de l’ONU ne savent plus très bien ce qu’ils cherchent.
Les rumeurs vont bon train, largement entretenues par les médias. Ici, on met en garde les populations contre une éventuelle guerre bactériologique. Là, on dévoile la vie sexuelle du caïd irakien qui, affirme «Newsweek», est «un fan du Viagra». C’est en tout cas ce qu’a déclaré à l’hebdomadaire américain une des prétendues amantes du maître de Bagdad.
Saddam s’en fiche
Et lui Saddam, que pense-t-il de tout cela, de tout ce ramdam mené autour de sa personne? Et bien, Saddam s’en fiche. Mieux, le dictateur se comporte en sportif zen. Il nage Saddam, casquette blanche en visière.
Il nage et nage encore dans ce qui ressemble à une mer sans début ni fin. Pour le voir brasser l’eau avec ses bras dodus, il faut aller au Centre pour l’image contemporaine, à Genève.
Oui, le président est là. Il fend l’eau sous le nez d’un autre président, George W.Bush qui, lui, interpelle son homologue irakien en lui lançant: «Saddam Hussein!»
George W. parano
Sa voix, on l’entend avant même d’entrer dans la salle. Elle résonne tantôt comme une insulte, tantôt comme un cri de délivrance, toujours portée par une intonation qui frôle la névrose. Les deux hommes sont présents à l’écran. Deux immenses écrans qui ont l’éclat d’un montage aussi pertinent que drôle.
«Saddam Hussein!» Deux mots fatidiques. Les seuls martelés par Bush et entrecoupés de longs silences, qui laissent figée la silhouette du président américain, vue sous de multiples facettes.
Bush dans le bureau ovale, assis, s’adressant à un auditoire invisible. Bush en treillis. Derrière lui des soldats américains écoutant son discours muet. Bush debout, devant un micro, tenant une conférence de presse silencieuse…
L’Américain ne s’anime que lorsqu’il prononce le nom de Saddam. Alors nous n’ignorons rien de ses yeux clignotants, de ses regards menaçants, de sa paranoïa, de sa psychose, bien mieux cernés ici que dans la presse bavarde.
Un Italien de Genève
On vous le dit, il faut écouter les artistes; ils sont souvent les meilleurs commentateurs de l’Histoire. L’artiste en question, qui invite ici sur écran Bush et Saddam, s’appelle Gianni Motti. Il est italien mais vit à Genève.
Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il connaît l’art de détourner les images pour faire rire de l’actualité politique. Deux films vidéo lui auront suffi pour débusquer le comique sous le tragique. C’est à dire pour déboulonner les statues de deux présidents qui n’ont jamais paru aussi grands dans leurs faits et gestes simiesques.
swissinfo, Ghania Adamo
Gianni Motti, installation et vidéo. Genève, Centre pour l’image contemporaine. Jusqu’au 23 mars. Entrée libre.
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