Inquiétudes au Club Med sur les intentions de l’actionnaire Fosun
(Keystone-ATS) De récents changements au sein de la direction du Club Med, en quête d’un nouveau partenaire financier, suscitent des inquiétudes sur les intentions de son actionnaire chinois Fosun, qui assure au contraire vouloir « maintenir et respecter ses racines françaises ».
Le numéro deux du groupe, Michel Wolfovski, a démissionné il y a quelques semaines de son mandat de directeur général adjoint, suscitant des spéculations sur une éventuelle « reprise en main » du conglomérat Fosun, entré au capital du pionnier des villages-vacances en 2010, avant d’en acquérir la majorité en 2015.
« La récente démission de ses mandats sociaux de Michel Wolfovski ainsi que les rumeurs d’une menace de délocalisation du siège social du Club Med à Shanghai et d’un changement probable de gouvernance suscitent l’inquiétude des salariés de l’entreprise », déplore Christian Juyaux, coordinateur du Club Med auprès des fédérations syndicales européenne et mondiale des travailleurs de l’hôtellerie-restauration et du tourisme (Effat-Uita).
Dans un communiqué publié la semaine dernière, le représentant syndical réclame « des informations sur les décisions que le groupe envisage de prendre ».
« Il n’y a aucune intention de déplacer le siège social du Club Med de Paris à Shanghai. Fosun a toujours considéré le Club Med comme un trésor français et continuera à maintenir et à respecter ses racines françaises », répond Fosun à l’AFP.
« Souveraineté culturelle »
« Ils croient en cette marque et la soutiennent », précise une source proche du dossier, en rappelant les 800 millions d’euros investis par Fosun dans le Club Med depuis l’acquisition, dont 130 millions pendant la période difficile du Covid.
« Ils veulent la stabilité et le succès international du Club Med. Pour cela, en tant qu’actionnaire, ils doivent planifier sur le long terme », poursuit la source.
Reste qu’en interne, l’arrivée de nouveaux représentants chinois au sein du conseil d’administration interroge, amenant le journal Les Échos, par la voix de son éditorialiste Éric Le Boucher, à en faire une « affaire de souveraineté culturelle ». Le journaliste s’inquiète d’une « décapitation de celui qui l’a redressé, Henri Giscard d’Estaing, aux commandes depuis 2002 ».
Fleuron du tourisme créé en 1950, le Club Med compte 67 sites dans 40 pays et emploie près de 25.000 « Gentils Organisateurs » et « Gentils Employés » (alias GO et GE). En 2023, il a publié des résultats record, fruits de sa stratégie de montée en gamme, avec un chiffre d’affaires frôlant pour la première fois les 2 milliards d’euros et un bénéfice net de 99 millions.
Certains observateurs soulignent le niveau d’endettement de Fosun et le risque que le groupe utilise la trésorerie du Club Med pour récupérer des liquidités, une inquiétude partagée par le représentant syndical.
« La dette a diminué au cours des trois dernières années », souligne la source proche, avec un « ratio d’endettement de 50% et de très bonnes capacités de refinancement ».
Près de 30 milliards d’euros de dette
La dette consolidée de Fosun à fin 2023 était de 211,92 milliards de renminbi (environ 29 milliards de dollars), en baisse de 15 milliards de RMB (environ 2 mds de dollars) par rapport à fin 2022, selon le conglomérat, qui détient également en France la maison de couture Lanvin et les margarines St-Hubert.
« Depuis 2020, Fosun a mis en oeuvre une stratégie axée sur les activités de base, avec le Club Med comme l’un de ses principaux actifs, que Fosun conservera en tant qu’actionnaire majoritaire », assure la source proche.
En septembre, Henri Giscard d’Estaing indiquait à l’AFP que le groupe envisageait d’ouvrir son capital pour accompagner sa croissance.
Depuis, des fonds américains, des investisseurs du Golfe et la famille Maus, propriétaire de Lacoste, auraient selon Les Échos manifesté des marques d’intérêt avant de renoncer en raison d’un prix jugé élevé, sa basant sur une valorisation de près de 2 milliards d’euros.
Selon le média La Lettre, le fonds luxembourgeois CVC Capital partners est en discussions avec Bpifrance pour monter une offre commune. Sollicitées par l’AFP, la banque publique d’investissement et la direction du Club Med n’ont pas souhaité commenter.
« Le succès du Club Med suscite l’intérêt des investisseurs », estime la source proche, selon qui Fosun est ouvert à l’arrivée d’un partenaire « si sa stratégie est en ligne avec celle du Club Med ».