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L’Europe veut refonder le capitalisme mondial

Reuters

Unie autour de son plan de sauvetage des banques, l'Union européenne veut refonder Bretton Woods, du nom des accords de 1944 qui ont redessiné le système capitaliste mondial. Le Royaume-Uni veut que la Suisse participe à la nouvelle régulation.

L’Europe est persuadée que c’est son plan qui permettra au monde entier de sortir de la crise. A son actif, l’Union européenne (UE) peut constater que son approche en deux points – nationalisation partielle des banques et garanties d’Etat aux crédits bancaires – a fait école jusqu’aux Etats-Unis.

Faire bloc

En revanche, si les Vingt-Sept Etats membres de l’UE confessent « suivre chaque jour les cours de la bourse », ils veulent pour l’instant minorer le fait que les bourses mondiales ont replongé, après deux jours à peine d’euphorie.

Réunis à Bruxelles, les 27 Etats membres de l’Union ont donc fait bloc autour de ce plan: les réticences des dirigeants de la République tchèque et de la Hongrie face à un plan bouclé sans eux, par les Quinze de la Zone Euro, n’ont pas résisté à la pression de leurs pairs.

Mais ce n’est pas tout. Les Vingt-Sept ont accepté la modification des règles comptables des banques, afin de les rendre moins sensibles aux soubresauts des marchés. «Il faut en finir avec une règle qui valorise les actifs des banques au prix du marché de façon aveugle et absurde», a justifié Nicolas Sarkozy, président en exercice de l’UE.

Supervision transnationale avec la Suisse

Ils se sont aussi mis d’accord pour créer une cellule de crise afin de coordonner les réactions en cas d’urgence. Enfin, les Vingt-Sept veulent renforcer la supervision des établissements financiers transnationaux, et demandent, dès maintenant, aux superviseurs nationaux des différents pays «de se réunir au moins une fois par mois pour procéder à des échanges d’information».

Cette supervision transnationale pourrait englober la Suisse, affirme Graham Watson, président britannique du groupe des Libéraux au Parlement Européen: «Lorsqu’il m’a entretenu de son projet de créer un collège européen des régulateurs, le Premier ministre Gordon Brown m’a dit qu’il faudra y inclure la Suisse, un pays qui abrite des géants bancaires.»

La voix de Nicolas Sarkozy

Désireux de profiter de cette dynamique du consensus, les Européens envisagent d’aller plus loin. Par la voix de Nicolas Sarkozy ils ont réclamé mercredi soir, «de préférence fin novembre», la tenue avant la fin de l’année d’un sommet international pour refonder le système capitaliste «sur des valeurs qui mettent la finance au service des entreprises et des citoyens, et non l’inverse.»

Gordon Brown est sur la même longueur d’onde. «Le FMI doit être reconstruit. Nous avons besoin d’un système collectif de supervision car actuellement c’est l’opacité qui règne sur le système global mondial. La reconstruction de l’architecture internationale demande la même vision qu’ont eu nos prédécesseurs lorsqu’ils ont décidé dans les années 40 de créer le FMI, la Banque Mondiale et l’ONU. Aujourd’hui, nous devons créer les outils nouveaux pour répondre aux besoins de l’économie, des mouvements de capitaux et de la concurrence mondiale.»

Unis face à Washington

Pour faire aboutir cet ambitieux projet, les Européens devront se présenter unis face à Washington. Sur la réforme de la finance, comme sur d’autres, tel le changement climatique. Or, les Vingt-Sept peinent à s’entendre sur le plan proposé par la Commission européenne: la réduction de 20% des émissions de CO2 et l’usage de 20% d’énergies renouvelables à l’horizon 2020.

Mercredi soir, l’Italie menaçait ce plan d’un véto, tandis que huit pays de l’Est de l’Europe réclamaient d’importantes adaptations. Silvio Berlusconi est soumis à forte pression du patronat italien. Quant à l’économie des huit, elle est basée sur une industrie fortement polluante.

Pourtant, Nicolas Sarkozy a répété que le plan de réduction des émissions de CO2, qu’il est chargé de faire aboutir, ne fera pas les frais de la crise et de la récession qui s’annonce.

Ecologie et activité économique

Comment donc, dans ce cas, rallier les exigences écologiques avec la nécessité de préserver l’activité économique alors que la récession risque de s’abattre sur l’Europe? C’est tout l’enjeu de la discussion.

A la Commission européenne, on affirme que l’objectif restera inchangé. C’est sur la méthode que l’on va jouer. «Nous mettons au point des critères rigoureux pour déterminer quelles industries pourront bénéficier de dérogation afin d’éviter la délocalisation», confie un proche du président de la Commission. Celui-ci relativise d’ailleurs les oppositions: «c’est une posture normale de négociations alors qu’on approche d’une décision en décembre prochain.»

Nicolas Sarkozy est formel: «Il faut trouver une solution avant la fin de l’année et on la trouvera en tenant compte des problèmes spécifiques de certains pays. C’est la responsabilité historique de l’Europe. La crise ne doit pas diminuer nos ambitions. Au contraire, nous devons démontrer que la croissance propre est une possibilité de rebond de la croissance.»

swissinfo, Alain Franco, Bruxelles

Ce sont des accords économiques ayant dessiné les grandes lignes du système financier international après la 2ème Guerre mondiale

Objectif: mettre en place une organisation monétaire mondiale et favoriser la reconstruction et le développement économique des pays touchés par la guerre.

Ils furent signés le 22 juillet 1944 à à Bretton Woods, aux États-Unis.

Les deux protagonistes principaux de cette conférence ont été John Maynard Keynes, qui dirigeait la délégation britannique, et Harry Dexter White, assistant au Secrétaire au Trésor des États-Unis, qui avaient tous deux préparé un plan d’ensemble.

Au final, c’est la proposition de White qui prévalut, organisant le système monétaire mondial autour du dollar américain, mais avec un rattachement nominal à l’or.

Deux organismes, qui sont toujours en activité, ont vu le jour lors de cette conférence: Le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque mondiale.

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