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Plus de 200 prisonniers échangés entre Kiev et les séparatistes

Des prisonniers marchent vers des bus avant l'échange de prisonniers entre rebelles pro-russes et Ukraine. KEYSTONE/EPA/sd MS sda-ats

(Keystone-ATS) L’échange de prisonniers entre Kiev et les séparatistes de l’est de l’Ukraine s’est achevé dimanche après-midi. Plus de 200 détenus ont été libérés et transférés, se réjouit le Département fédéral des affaires étrangères, soulignant le rôle de la Suisse.

L’échange, voulu avant le Nouvel an par le président ukrainien Volodymyr Zelensky, a néanmoins suscité une controverse en Ukraine, Kiev ayant accepté la libération de personnes sans lien direct avec la guerre dans l’Est ukrainien.

“Les libérations réciproques sont terminées”, a indiqué la présidence ukrainienne précisant voir revenir au pays 76 personnes, douze militaires et 64 civils, dont deux pigistes du service ukrainien de la radio américaine RFE/RL, détenus depuis deux ans.

Les républiques autoproclamées de Donetsk et Lougansk ont dit pour leur part aux agences russes s’être vus respectivement remettre 61 et 63 personnes, parmi lesquels des Russes et un Brésilien ayant combattu dans les rangs rebelles.

L’opération marque une désescalade dans le seul conflit actif d’Europe. Elle a commencé en fin de matinée aux abords du point de contrôle de Maïorské dans la partie de la région de Donetsk contrôlée par Kiev, non loin de la ligne de front. Plusieurs autocars, certains escortés par la police, sont arrivés sur le terrain bouclé par des militaires ukrainiens en armes.

Ciel gris, visages fatigués

Même chose du côté des séparatistes de Donetsk et Lougansk. Des ambulances, la Croix-Rouge ainsi que des observateurs de l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) étaient également sur les lieux, sous un ciel gris.

Les premiers prisonniers ont ensuite défilé, descendant d’un bus, les visages fatigués. La plupart sont des hommes portant de gros sacs contenant leurs effets, mais plusieurs femmes étaient également présentes.

“Je suis ravie, c’est le jour qu’on attendait depuis longtemps!”, a déclaré Viktoria, une Ukrainienne de 24 ans aux cheveux longs, précisant avoir passé trois ans en détention. Elle dit avoir été condamnée à 12 ans de prison par les séparatistes pour “haute trahison”.

Le président russe Vladimir Poutine et Angela Merkel ont salué un événement “positif”, selon le Kremlin. Dans une déclaration commune, la chancelière allemande et le président français Emmanuel Macron se sont félicités de l’évènement, appelant à terme à “l’échange de tous les prisonniers liés au conflit”.

Intenses négociations

Certains des détenus étaient retenus depuis le début du conflit qui a éclaté dans l’est de l’Ukraine en 2014, rappelle le Département des affaires étrangères (DFAE) dans un communiqué publié dimanche. “Pour certaines personnes, des procédures judiciaires existent toujours. Les parties se sont engagées à y mettre fin le plus rapidement possible.”

Cet échange de prisonniers a été précédé “d’intenses négociations” au sein du groupe de travail chargé des questions humanitaires du Groupe de contact trilatéral, précise le DFAE. Ce dernier réunit des représentants de l’OSCE, de la Russie et de l’Ukraine.

L’ambassadeur suisse Toni Frisch en est le coordinateur depuis 2015. Le groupe de travail se réunit toutes les deux semaines à Minsk. Outre la libération des détenus, il négocie des solutions visant à résoudre d’autres problèmes humanitaires, écrit le DFAE, comme la recherche et l’identification des personnes disparues ainsi que l’amélioration des conditions de traversée de la ligne de contact pour les civils.

Indignation en Ukraine

En Ukraine, le choix des prisonniers livrés par Kiev aux séparatistes – dont des personnes condamnées ou inculpées de crimes de sang – a provoqué une vague d’indignation.

Parmi les personnages les plus controversés, trois hommes ayant commis un attentat meurtrier à Kharkiv en février 2015 et ex-policiers détenus pour leur implication présumée dans la répression sanglante des manifestations pro-européennes du Maïdan, en 2014.

Ce soulèvement, qui a fait une centaine de morts, a eu lieu avant même le début de la guerre dans l’est de l’Ukraine. Furieux, Volodymyr Golodniouk, père d’une des victimes, a dénoncé sur Facebook une “humiliation” “Cette décision nous éloigne de l’essentiel, de la justice”, a martelé le cinéaste Oleg Sentsov, prisonnier libéré par Moscou récemment.

Détente avec Moscou

Le principe de l’échange avant la fin de l’année avait été acté et réclamé par le président M. Zelensky le 9 décembre à Paris, où se tenait le premier sommet de paix sur l’Ukraine depuis 2016. Depuis son élection en avril, une certaine détente se fait sentir avec le Kremlin. En septembre, Kiev et Moscou ont ainsi échangé 70 détenus, dont le réalisateur Oleg Sentsov.

Cette guerre a fait plus de 13’000 morts depuis son éclatement en avril 2014, quelques semaines après l’annexion de la péninsule de Crimée par la Russie qui avait elle-même suivi le soulèvement du Maïdan. L’Occident et l’Ukraine accusent Moscou de soutenir militairement les séparatistes, ce que la Russie nie farouchement.

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