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UNIGE: des vaccins incorporés dans une particule de soie d’araignée

Cellules immunitaires ayant ingéré des nanoparticules de soie d’araignée - en vert. Les endosomes - la partie de la cellule dans laquelle les nanoparticules relâchent le vaccin – apparaissent en bleu. UNIGE/Carole Bourquin sda-ats

(Keystone-ATS) Des chercheurs suisses et allemands proposent une technique inédite pour mieux lutter contre le cancer et certaines maladies infectieuses. Ils ont incorporé un vaccin dans une microparticule de soie d’araignée.

Les vaccins qui stimulent le système immunitaire pour détruire les cellules tumorales sont de plus en plus utilisés dans la recherche sur le cancer. Le succès n’est cependant pas toujours au rendez-vous, a indiqué mardi l’Université de Genève (UNIGE) dans un communiqué.

“Pour développer des médicaments immunothérapeutiques efficaces contre le cancer, il est indispensable de générer une réponse importante des lymphocytes T”, indique Carole Bourquin, spécialiste des immunothérapies antitumorales aux facultés de médecine et des sciences de l’UNIGE, qui a dirigé ces travaux.

“Les vaccins dont nous disposons actuellement n’ont qu’une action limitée sur les lymphocytes T, il est donc indispensable de développer d’autres procédés de vaccination pour contourner ce problème”, poursuit la spécialiste, citée dans le communiqué.

Pour ce faire, les scientifiques ont utilisé de la soie d’araignée d’épeire diadème, une araignée de jardin très commune en Europe. Ce matériau très léger, résistant et non-toxique est en outre synthétisable artificiellement.

Pratiquement indestructible

“Nous avons recréé en laboratoire cette soie si particulière pour y insérer un peptide aux propriétés vaccinales”, explique Thomas Scheibel de l’Université de Bayreuth (D), spécialiste mondial de la soie d’araignée, qui a participé à cette étude. “Ensuite, les chaînes de protéines ainsi formées sont enroulées sur elles-mêmes afin de former des microparticules injectables”, dit-il.

Les microparticules de soie forment une sorte de capsule de transport capable non seulement de protéger le peptide vaccinal afin qu’il ne soit pas dégradé par l’organisme, mais aussi d’acheminer son précieux chargement à bon port, au coeur même des cellules des ganglions lymphatiques, augmentant ainsi considérablement la réponse immunitaire des lymphocytes T.

“Notre étude a apporté la preuve de la validité de notre technique”, révèle la professeure Bourquin: “Nous démontrons ainsi l’efficacité d’une nouvelle technique de vaccination extrêmement stable, facile à fabriquer et facilement personnalisable”.

Nouveau modèle de vaccin

Les scientifiques eux-mêmes ont été surpris par la résistance des microparticules de soie d’araignée à la chaleur. Elles supportent plus de 100°C pendant plusieurs heures sans dommage.

En théorie, ce procédé permettrait d’offrir des vaccins ne nécessitant ni adjuvant ni chaîne de froid. Un avantage indéniable, en particulier dans les pays en voie de développement où l’une des grandes difficultés est justement la conservation des vaccins.

L’une des limitations, cependant, réside dans la taille des microparticules. Si le concept est en principe applicable à n’importe quel peptide, qui sont tous suffisamment petits pour être incorporés dans les protéines de soie, les recherches doivent se poursuivre afin de vérifier s’il est également possible d’incorporer les antigènes de plus grande taille utilisés dans les vaccins standards, notamment contre la plupart des maladies virales.

Bioinspiration

“De plus en plus, les scientifiques cherchent à imiter la nature dans ce qu’elle fait de mieux”, ajoute Thomas Scheibel. “Cette démarche a même un nom: la bioinspiration”.

Les propriétés de la soie d’araignée en font un produit particulièrement intéressant: biocompatible, solide, fin, biodégradable, résistant aux conditions extrêmes, et même antibactérien. On peut imaginer de multiples applications, notamment des pansements ou des fils de suture, conclut l’UNIGE.

Des chercheurs de l’Université de Fribourg et la start-up AMSilk ont également contribué à cette recherche, publiée dans la revue Biomaterials.

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